Il faut poser sérieusement la question de la gratuité

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 22 mai 1998 - 353 mots

Il peut sembler paradoxal que, malgré l’ultralibéralisme des années Thatcher, les grandes institutions londoniennes et les musées municipaux anglais aient réussi à maintenir la gratuité d’entrée, alors que la France rejette toutes les variantes du système : trop chères, et pas assez efficaces au niveau des publics. À l’heure où l’on prône la démocratisation de la culture, la question de la gratuité et des politiques tarifaires, en France et en Europe, mérite pourtant d’être posée.

PARIS - Une étude concernant l’impact de la gratuité sur le public, menée à l’occasion de l’opération “Le premier dimanche du mois au Louvre”, vient de livrer ses résultats. Jugés plutôt positifs par les responsables du musée, ils sont au contraire considérés comme “peu concluants” par la Direction des Musées de France. L’expérience, qui aurait pu servir d’exemple à d’autres établissements, ne s’étendra sans doute pas.

Pourtant, s’il est vrai que la forte augmentation de la fréquentation est largement due à des sorties familiales et à un report des visites au jour où l’entrée est libre, quelques chiffres doivent tout de même faire réfléchir : la proportion des employés et ouvriers augmente de 3 points ces jours-là, passant de 27,4 % pour un dimanche normal à 30,4 %. Interrogés, ceux-ci déclarent à 50 % qu’ils ne seraient pas venus s’ils avaient dû acheter un billet. En outre, dans les reports du jour de visite, les étudiants arrivent nettement en tête. Pour cette catégorie à faibles revenus – qui ne bénéficie généralement pas de la gratuité, ni même souvent de tarifs réduits –, le désir culturel existe, mais il est restreint, faute de moyens.

D’un autre côté, le manque de ressources des musées est bien réel. En Grande-Bretagne, le gouvernement intervient à 70 ou 80 % dans les frais de fonctionnement des musées gratuits, ce qui est beaucoup. Cependant, en France, tout le monde trouve normal que les municipalités prennent en charge les bibliothèques publiques afin de favoriser l’accès de tous à la culture. Quelle différence existe-t-il entre un fonds de livres et un fonds d’œuvres ? Le succès de la démocratisation des bibliothèques n’est-il pas justement exemplaire ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : Il faut poser sérieusement la question de la gratuité

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