L’exposition phare du centenaire, \"Identité et altérité. Une brève histoire du corps humain et du visage, de 1895 jusqu’à nos jours\", qui rassemble plus de six cents œuvres réalisées par deux cents artistes, est éclatée en trois lieux : le Palazzo Grassi, le Musée Correr et le Pavillon italien dans les Giardini du Castello.
Cette exposition, dont le commissaire – Jean Clair – développe la thématique dans un entretien publié en pages 31 et 32 du Journal des Arts, s’attache essentiellement à la représentation du corps et du visage depuis le Positivisme (1895) jusqu’à nos jours.
La première partie (1895-1968) se déroule dans un lieu inhabituel à la Biennale, le Palazzo Grassi, propriété de Fiat, que Jean Clair a retenu pour les conditions de conservation et de sécurité qu’il offre aux œuvres. La seconde (1968-1995) est présentée au Musée Correr, après le coup d’éclat du commissaire jugeant le Pavillon italien "en ruines" et inapte à l’accueillir. Seul l’art vidéo devrait être installé dans le Pavillon italien des jardins du Castello.
Aux huit sections préalablement annoncées s’est ajouté un préambule, "De l’Académie au Café", qui veut montrer l’importance du regroupement des artistes en communautés. Elle va de l’Hommage à Cézanne, de Maurice Denis, au Café Deutschland, de Jörg Immendorf. La première période (1895-1905) célèbre le Positivisme. Elle se fonde sur les théories de Lombroso et sur la chronophotographie de Marey (l’enregistrement sur pellicule des mouvements du corps). Ces recherches seront fondamentales pour l’Avant-garde futuriste (Boccioni, Balla, Bragaglia) ; en contrepoint, se développe le Spiritualisme de Kupka et de Kandinsky.
La section 1905-1915 voit l’explosion des avant-gardes, qui se tournent vers de nouveaux modèles : suppression du visage chez Medardo Rosso, classicisme de Matisse, révolution de Picasso, opposition entre la violence expressionniste (Jawlensky) et l’Abstraction (Malevitch). L’après-guerre (1915-1930) jusqu’à l’avènement des dictatures, est marquée par l’illusion d’un retour à l’ordre, dans sa version italienne avec le "Réalisme magique" et le "Novecento", et dans sa version allemande avec la "Neue Sachlichkeit". Citons aussi l’utopie rationaliste du Bauhaus et les prémonitions tragiques et prophétiques d’Otto Dix et de Beckmann.
L’avènement des dictatures (1930-1945), de droite et de gauche, voit triompher un même style académique tandis qu’est rejetée l’Avant-garde, considérée comme dégénérée (Ernst, Miró).
La lecture que Jean Clair fait de la période de l’après-guerre (1945-1960) oppose l’art informel de Fautrier et de Dubuffet à la redécouverte du corps faite par Balthus, Hopper, Arbus ou Leroy. Le tournant opéré dans les années 1960-1973 est représenté par les figures renversées de Baselitz, par les intérieurs métaphysiques de Hockney, par le Pop Art, ainsi que par une conception différente de l’espace, chez Fontana et Bruce Nauman.
On peut choisir de parcourir les sept sections transversalement : la question du visage, avec deux sections consacrées aux autoportraits du début du siècle (Gauguin, Meidner, Corinth) et des années trente (Matisse, Beckmann, Witkiewicz), y demeure dominante. La section dédiée à la sculpture est également importante, avec Rodin et Camille Claudel, Maillol, Brancusi, Epstein et Giacometti. Mais Moore n’est pas représenté.
"À la recherche de l’identité perdue, 1973-1995"
Au Pavillon italien devait être présentée la huitième section, confiée à Cathrin Pichler, qui se focalise sur le corps. La présence féminine est importante, de Magdalena Abakanovics à Louise Bourgeois, en passant par Cindy Sherman. Du côté masculin, les œuvres d’Arnulf Rainer et Wols sont autant de références pour de jeunes artistes comme Gary Hill, Mike Kelley et Paul Mc Carthy. L’exposition s’ouvre à des artistes non-occidentaux (Wei Liu, Yan Pey-Ming, Xiaogang Zhang).
"Empreintes du corps et de l’esprit"
Toujours, en principe, au Pavillon italien, la section "Empreintes du corps et de l’esprit", organisée par Adalgisa Lugli, montre non pas des représentations naturalistes ou imaginaires, mais une intervention sur le corps qui peut emprunter les formes du calque, de l’ombre, de la trace ou du double. Cette recherche a connu son point culminant dans les années soixante et soixante-dix avec Parmiggiani, Paolini et Ceroli. Avec Fontana, elle est également apparue sous la forme d’un effondrement de l’espace ; chez Burri et chez les représentants de l’Arte povera, elle a consisté en une recherche sur les matériaux alternatifs. Citons enfin Beuys et son utopie idéologique, ou Agnetti avec le dépassement des disciplines.
- "Identité et altérité. Une brève histoire du corps humain et du visage, de 1895 jusqu’à nos jours", Palazzo Grassi, Musée Correr, Pavillon italien, du 11 juin au 15 octobre. Commissaire : Jean Clair. "À la recherche de l’identité perdue, 1973 - 1995", commissaire : Cathrin Pichler. "Empreintes du corps et de l’esprit", commissaire : Adalgisa Lugli.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
"Identité et altérité", l’exposition phare
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°15 du 1 juin 1995, avec le titre suivant : "Identité et altérité", l’exposition phare