Le 30 avril 1895, Umberto Ier et Marguerite de Savoie inaugurent la première Biennale de Venise, dont la création avait été décidée deux ans auparavant par le conseil municipal. Cet été, la 46e édition marque le centenaire de la manifestation culturelle italienne la plus prestigieuse, qui, en dépit des nombreuses critiques qui lui ont été périodiquement adressées sur ses choix et son manque de rigueur, est devenue une référence internationale. Le Centenaire n’échappe pas aux polémiques, comme l’a déjà montré le coup d’éclat de Jean Clair, directeur des arts visuels.
Le 8 mai, le directeur des arts visuels, Jean Clair, historien de l’art – qui dirige le Musée Picasso à Paris sous son véritable nom, Gérard Régnier –, adressait une lettre sévère au président du Conseil italien, Lamberto Dini. Il déplorait en particulier "l’état matériel désolant" du pavillon italien, destiné à accueillir la seconde partie de son exposition historique "Identité et altérité", et se plaignait d’avoir été "cantonné dans un rôle d’exécutant subalterne". Jean Clair reprenait ainsi les critiques qu’il avait formulées dans un entretien au Journal des Arts, dont on lira la suite en pages 31 et 32. "Le pavillon italien est dans un état de ruine avancée qui interdit pour l’instant toute exposition", nous déclarait-il.
Une organisation totalement archaïque
Plus généralement, le premier non Italien à diriger les arts visuels s’en prenait à l’organisation de la Biennale : "Elle est handicapée par une organisation administrative totalement archaïque, qui n’est plus du tout adaptée au fonctionnement désormais très rapide d’une institution culturelle qui se prétend en prise avec la modernité". "Je crois que son sort dépendra véritablement de la refonte intégrale de sa structure administrative", affirmait-il au JdA.
Mais comme le montre l’article publié ci-contre, l’histoire chaotique de cette centenaire est surtout faite d’aller et retour…
Néanmoins, le coup de poing sur la table a eu un effet immédiat. Quelques semaines avant l’ouverture de la manifestation, il était décidé que le Musée Correr accueillerait la seconde partie d’"Identité et altérité". Comme toujours à Venise, improvisation palliait confusion. Déjà, l’organisation de cette Biennale avait été malmenée par la volonté – ensuite abandonnée – de faire coïncider pour le centenaire les deux secteurs arts visuels et architecture. La Biennale d’architecture, dirigée par Hans Hollein, aura finalement lieu l’an prochain.
L’édition du centenaire sera sans doute bien différente de celle d’il y a deux ans, confiée à Achille Bonito Oliva, critique militant, défenseur de la Trans-avant-garde. Jean Clair défend d’autres idées, attachées à une certaine tradition. En le choisissant, le Conseil a voulu s’assurer une Biennale à la fois commémorative et crédible sur le plan historique.
La suppression d’Aperto
Cependant, certains redoutent que l’esprit de commémoration l’emporte sur l’actualité, notamment à cause de la suppression de la section "Aperto" qui, avec plus ou moins de rigueur, présentait depuis 1979, dans les Corderies de l’Arsenal, l’art le plus contemporain.
Mais à ceux qui craignent un "retour à l’ordre", Jean Clair répond en invitant dans son exposition – qui aurait pu être l’occasion d’un triomphe de la figuration – minimalistes et tenants de l’Art conceptuel aux côtés de Balthus et Lopez-Garcia, Kandinsky, Malevitch, Picasso (curieusement ignoré pendant cent ans par la Biennale) Pollock, De Kooning…
Dans les pavillons nationaux disposés dans les jardins – les Giardini –, César sera en compétition, pour le premier Prix, avec l’artiste vidéo Bill Viola (États-Unis), Leon Kossoff (Grande-Bretagne), Takis (Grèce), Roman Opalka (Pologne), Fischli & Weiss (Suisse) ainsi que Catharina Fritsch et Thomass Ruff (Allemagne).
Parmi les innovations de cette Biennale, dotée d’un budget de 12 milliards de lires, soit 35 millions de francs environ, signalons la réhabilitation des objets d’art, présentés dans une section dédiée aux arts décoratifs à la Ca’ Pesaro.
Biennale de Venise, du 11 juin au 15 octobre (vernissage les 7, 8 et 9 juin).
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Centenaire sur fond de polémiques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°15 du 1 juin 1995, avec le titre suivant : Centenaire sur fond de polémiques