Deux rues regroupent les objets anciens, avec un fil conducteur : les boutiques d’objets coloniaux, témoins du passé voyageur de Bordeaux. Si les marchands sont dans leur majorité inquiets, les commissaires-priseurs, de leur côté, se montrent sereins.
La rue Bouffard, qui descend en pente douce vers le Musée des arts décoratifs, regroupe près de 40 boutiques, souvent élégantes et pleines d’objets insolites. Si certaines galeries reprochent aux Bordelais leur goût classique – “Bordeaux mourra de sa culture du bon goût”, se désole Jean-François Dumont –, les marchands de la rue affichent profil bas. “Les Bordelais ont toujours de l’argent, mais ils ne le dépensent plus. Il y a encore peu de temps, la grand-mère achetait un meuble de style pour le mariage des petits-enfants. Aujourd’hui, les gens thésaurisent et s’inquiètent de leur avenir”, explique-t-on aux Antiquités Bouffard, spécialistes en meubles XVIIIe.
Cependant, et n’en déplaise aux marchands d’art contemporain, les meubles de style sont loin de monopoliser les ventes. Les boutiques d’objets exotiques sont nombreuses. Surabaya (rue Bouffard) vend des meubles coloniaux, et notamment de jolies tables basses en teck aux environs de 6 000 francs. La galerie Art Persan (rue Bouffard) propose des tapis dans un chaleureux bric-à-brac de curiosités.
Chez Arts d’Asie (rue des Remparts), ce sont les beaux objets d’Extrême-Orient qui témoignent du passé colonial de la ville. Clark et Smith (place du Chapelet) sont une véritable invitation au voyage, dans un agréable espace où se côtoient mobilier chinois et artisanat.
Il faut ensuite faire un saut du côté de la rue Notre-Dame, pour trouver chez François Peron des aquariums en cloisonné chinois (XIXe) à 20 000 francs la paire, et des objets primitifs chez Art Tribal. Spécialisée dans la malle de voyage, L’Air du Temps propose toutes sortes de coffres, et même de vénérables malles Vuitton patinées par les ans. Cette rue accueille aussi le Village Notre-Dame, qui regroupe 30 antiquaires aux centres d’intérêts très variés.
“Nous préparons l’ouverture des frontières”
Si les marchands sont dans leur majorité inquiets, les commissaires- priseurs semblent sereins et souvent même optimistes. “Notre chiffre d’affaires a été multiplié par cinq en cinq ans et, cette année, il croît de 15 %”, se réjouit Me Axel Blanchy de l’hôtel des ventes du quai des Chartrons. Cet hôtel dispose de 7 000 m2 et regroupe quatre études qui ont mis en commun leurs frais de fonctionnement et gardé leur clientèle.
Situé en centre ville, l’hôtel des ventes rive droite est, lui, plus modeste, avec ses 2 000 m2 et ses trois commissaires-priseurs associés, mais l’analyse du marché y est la même : “Bordeaux n’est pas une ville sinistrée pour les ventes, et après le tassement que tout le monde a connu, la tendance est à nouveau à la hausse”, remarque Me Monique Dubern.
“Nous coûtons plus d’argent que nous n’en rapportons, mais nous préparons aussi l’ouverture des frontières”, constate Marie-Cécile Moueix, qui représente Christie’s à Bordeaux. Pourtant les bureaux de Christie’s et de Sotheby’s n’inquiètent pas les commissaires-priseurs : “Il est souvent compliqué de vendre à l’étranger ; de plus l’objet doit être d’excellente qualité. Nous ne faisons pas notre chiffre d’affaires courant sur les objets exceptionnels”, souligne Me Axel Blanchy. “Les beaux objets sont une publicité pour l’étude plus qu’une source de revenus”, confirme Me Monique Dubern.
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Exotisme des antiquités
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°21 du 1 janvier 1996, avec le titre suivant : Exotisme des antiquités