Les Arts décoratifs s’immiscent dans le traditionnel trio de tête. Les musées d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq et de Saint-Étienne bénéficient d’importantes acquisitions. Des politiques contrastées.
Le traditionnel trio de tête est ici bousculé par les Arts décoratifs, qui se glissent en deuxième position de ce classement consacré à l’une des missions primordiales de tout musée : son travail scientifique. Situé au cœur de Paris, ce regroupement de trois musées sous un même statut associatif – le Musée des arts décoratifs, le Musée de la mode et le Musée de la publicité (le Musée Nissim-de-Camondo a été traité de manière autonome dans ce classement) – a bénéficié en 2005 de plus d’un million d’euros d’acquisitions, uniquement par donations et par mécénat. Il a par ailleurs mené une intense campagne de restauration de ses œuvres, pour près de 1,4 million d’euros, soit davantage que l’indétrônable Musée du Louvre. Ce chiffre élevé s’explique cependant par le chantier global mené sur les collections en vue de la réouverture du Musée des arts décoratifs en septembre prochain. Les cinq mille pièces qui y seront exposées ont ainsi fait l’objet d’une restauration fondamentale.
Autre signe tangible de l’activité scientifique des Arts décoratifs : leur dynamisme en matière de prêts. Avec mille œuvres en mouvement pour l’année 2005, cet établissement est à classer dans la catégorie des bons prêteurs, quand le Louvre n’en aura concédé que 1 310, ce qui tend à corroborer la mauvaise réputation de ce dernier en la matière, ou plutôt sa qualité de bailleur très sélectif. Toutefois, là encore, la situation devrait s’inverser lorsque tous les espaces des Arts décoratifs seront rouverts. Sur ce point, c’est le Centre Pompidou qui détient le record incontestable, avec 6 910 œuvres prêtées sur les 56 000 conservées. « Les prêts et les dépôts font partie de nos activités, car nos collections nous le permettent », précise la direction. L’ouverture de l’antenne messine au premier trimestre 2008 participera par ailleurs de cette volonté de rotation et de diffusion des fonds.
Nouvelle indication significative de ce palmarès : l’inégalité criante qui existe en ce qui concerne le personnel scientifique des musées. Le fossé est en effet accusé entre les « blockbusters » parisiens, où l’on dénombre plus d’une centaine de scientifiques au sein des équipes – à l’exception notable du Musée d’Orsay –, et les autres établissements, dans lesquels la présence de quatre conservateurs
relève souvent de l’exploit. Nombreux sont en effet les professionnels des musées territoriaux à dénoncer le non-remplacement ou la suppression de postes depuis la mise en application de la loi musée (2002). Celle-ci a en effet provoqué l’arrêt de la mise à disposition de personnel scientifique par l’État, et les collectivités n’ont pas toujours pris le relais. Avec pour conséquence un travail qui se limite, de fait, à la gestion des affaires courantes, au détriment du travail de fond sur les collections ; notamment de la vérification de la tenue des inventaires, et principalement du récolement physique des œuvres, qui permet de contrôler leur présence malgré les mouvements liés aux prêts ou aux dépôts. En théorie, celui-ci devrait avoir lieu tous les dix ans. L’informatisation des inventaires, par le biais du logiciel Micromusée, qui tend à se généraliser, peut aussi en faciliter le contrôle.
Politiques d’acquisition
L’existence d’un système à deux vitesses se confirme également en matière d’acquisitions. Si le Musée du Louvre peut se targuer d’avoir acquis pour plus de 35 millions d’euros d’œuvres, bénéficier de quelques centaines de milliers d’euros relève, pour la majeure partie des musées, de l’exploit.
Ce montant peut ainsi chuter à 10 600 euros pour le plus mal loti d’entre eux, le Musée d’Aquitaine, à Bordeaux. « Nous n’avons pas de budget propre pour les acquisitions, précise l’établissement. Celui-ci est géré directement par la direction des affaires culturelles de la Ville, et doit être partagé entre les sept musées municipaux. » Et, en 2005, avec un directeur intérimaire, le musée n’a obtenu que 600 euros en fonds propres, les 10 000 restants provenant d’une donation rendue possible par l’association Art et Histoire. Ce différentiel révèle donc très clairement les difficultés – voire les réticences – que manifestent certaines collectivités territoriales à consacrer un budget décent d’enrichissement à leurs musées. Il est cependant amplifié par la faiblesse ou par l’absence de personnel dévolu à la recherche de mécénat, une mission souvent assumée directement par le chef d’établissement ; celle-ci est pourtant impérieuse quand les budgets en stagnation ne permettent que de couvrir les charges courantes du musée. Malgré ce handicap, la présence de très nombreux musées de province dans ce sous-classement– et la quasi-absence des musées de la Ville de Paris, exception faite de Carnavalet – dénote la persistance du dynamisme de ce maillage muséal territorial,
qui est aussi une spécificité française et un atout touristique indéniable.
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Enrichissement du patrimoine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°238 du 26 mai 2006, avec le titre suivant : Enrichissement du patrimoine