Paris est devenue la capitale mondiale du dessin tous les ans au mois de mars. Cette année, quatre salons créent l’événement, du Palais de la Bourse au Carrousel du Louvre.
En mars à Paris, les amateurs croulent sous les dessins. La pollinisation donne le tournis avec quatre salons et de nombreuses manifestations off comme le « Parcours dessin » organisé dans le Marais. Même le Salon du livre et de l’estampe ouvrira une section dessin en avril prochain. Mais rendons à César ce qui est à César. Si ce support foisonne, le mérite en revient au Salon du dessin, qui a milité dès 1991 pour la création de la « Semaine du dessin ».
Quitte à se retrouver un peu dépassé par la tournure des événements. « Je suis philosophe. Quand le gâteau grandit, les gens ont envie de piocher dedans. Notre salon a gardé sa spécificité, son excellence, et c’est parce que le produit est bien fabriqué que les autres événements sont périphériques », observe avec philosophie Hervé Aaron, président de la Société du Salon du dessin.
Warhol plutôt que Beuys
L’instauration d’un colloque avait déjà permis un recentrage sur la manifestation. Deux autres pierres sont apportées cette année à l’édifice : la remise du Prix de dessin contemporain de la Fondation Daniel et Florence Guerlain (lire p. 17) et la présentation de la collection d’Alain Delon.
Le panorama des galeries s’est élargi avec l’arrivée de Wienerroither & Kohlbacher (Vienne), spécialistes de la Sécession viennoise. « Le marché en France pour ces dessins n’est pas très grand », admet toutefois Aloïs M. Wienerroither, qui présentera notamment une très belle œuvre de Schiele. Le quota contemporain s’est quant à lui étoffé grâce à Bernd Klüser (Munich) et Karsten Greve (Paris, Cologne).
Le premier envisage de venir avec des pièces d’Andy Warhol et de Joseph Beuys. Si Warhol est indexé dans le logiciel des collectionneurs, aussi classiques soient-ils, le public du Salon du dessin n’est pas vraiment mûr pour Beuys.
« Il n’est pas à la portée de tous, il faut beaucoup de connaissances pour le comprendre et la France a toujours été un marché difficile pour cet artiste », reconnaît Bernd Klüser. Avisé, le marchand a aussi prévu sur ses cimaises des dessinateurs plus « accessibles » comme Tony Cragg, lointain descendant d’un Henry Moore, ou Sean Scully, avatar d’un Mark Rothko. Pour sa deuxième participation, Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) expose des dessins de Paul P. inspirés des maîtres anciens, tout en décoiffant les habitudes de la foire avec des œuvres sur papier signées des Kabakov et de Georg Baselitz. Côté ancien, le visiteur pourra s’attarder sur une énigmatique tête d’Odilon Redon chez Éric Coatalem (Paris) et un grand projet de fontaine de Gilles-Marie Oppenord chez De Bayser (Paris).
40 carnets de dessins
Au Salon du dessin contemporain, le souvenir douloureusement réfrigérant de la dernière édition, le changement de direction artistique et l’installation cette année au Carrousel du Louvre, un espace jugé par certains claustrophobique, ont provoqué de nombreuses défections, et non des moindres. Les Parisiens Yvon Lambert, Air de Paris, Hervé Loevenbruck ou Laurent Godin ont tiré leur révérence. La crise n’est pas non plus sans incidence sur les retraits.
De fait, la qualité des exposants du nouveau cru se révèle très inégale. Restent des fidèles comme Odile Ouizeman (Paris), qui montrera Jean Dupuy et Leylagoor Ann Guillaume, ou encore Éric Dupont (Paris). Celui-ci présentera notamment quelques grands dessins de Yazid Oulab réalisés lors de sa résidence à l’Atelier Calder, à Saché (Indre-et-Loire). Aline Vidal (Paris) dévoile pour sa part les dessins féroces d’Elika Hedayat, des œuvres inspirées par les manifestations contre la fraude électorale de juin 2009 en Iran. Une timide extension du champ du dessin traditionnel se profile cette année.
Pour son entrée en matière, la galerie Objet de production (Paris) affichera les dessins numériques de Philippe Caurant, mais aussi des photographies de Dominique Furgé, dont le travail présente un côté graphique. C’est une extension d’ordre géographique que propose Hadrien de Montferrand (Pékin) avec quelques artistes chinois comme Guo Wei ou Ding Yi. Nouveau directeur artistique du salon, Philippe Piguet a par ailleurs conçu une exposition de quarante carnets de dessins d’artistes aussi divers que François Morellet et Barthélémy Toguo. « On apprend dans ces carnets les hésitations, les doutes, les recherches, indique-t-il. C’est l’enregistrement de la voix haute de la pensée. »
Pour exister face à ces deux événements, les deux autres foires, « Chic Dessin » – anciennement « Slick Dessin » – et la Foire internationale du dessin (FID), ont affiné leur identité. La première conjugue dessin et design, en reconstituant sur les stands le côté intimiste d’un appartement. La FID se crée pour sa part une vraie niche en montrant cinquante-six jeunes étudiants issus de neuf écoles d’art, certaines prestigieuses comme la Villa Arson à Nice ou l’Accademia di Brera à Milan.
Il est fort probable que les galeries en quête de jeunes pousses viennent y faire leur marché… « Le dessin nécessite un temps de formation, prévient toutefois Serghei Litvin Manoliu, créateur de l’événement. Comment faire pour aider ces gens sans les propulser trop tôt, ne pas en faire des vedettes prétentieuses à l’âge de 23 ans ? »
SALON DU DESSIN,
24-29 mars, Palais de la Bourse, place de la Bourse, 75002 paris, www.salondudessin.com, du 26 au 29 mars 12h-20h30, le 25 mars 12h-22h.
Direction : Société du Salon du dessin
Nombre d’exposants : 39
Tarif du stand : 22 000 euros
Nombre de visiteurs en 2009 : 11 800
SALON DU DESSIN CONTEMPORAIN,
25-28 mars, Carrousel du Louvre, 99, rue de Rivoli, 75001 Paris, www.salondudessincontemporain.com, les 25 et 27 mars 11h-20h, le 26 mars 11h-21h, le 28 mars 11h-19h.
Direction : Christine Phal, Philippe Piguet
Nombre d’exposants : 67
Tarif du stand : 280 euros le mètre carré
Nombre de visiteurs en 2009 : 17 000
CHIC DESSIN,
26-29 mars, Atelier Richelieu, 60, rue de Richelieu, 75002 Paris, www.chic-artfair.com, les 26, 27 et 28 mars 11h-20h, le 29 mars 11h-16h.
Organisation : Cécile Griesmar, Christophe Delavault, Benjamin Loyauté
Nombre d’exposants : 25
Tarif du stand : 2 000 à 6 000 euros
FOIRE INTERNATIONALE DU DESSIN : DESSIN DU XXIe SIÈCLE (FID),
26-28 mars, Loft Nikki Diana Marquardt, 10, rue de Turenne, 75004 Paris, www.foireinternationaledudessin.com, tous les jours 11h-19h.
Direction : Serghei Litvin Manoliu
Nombre d’exposants : 56
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Dessins et merveilles
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Abonnez-vous dès 1 €Salon du dessin contemporain (mars 2010) - Galerie Hélène Trintignan (Montpellier) : oeuvres sur papier de Vincent Corpet et de Robert Combas © Ludosane
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°321 du 19 mars 2010, avec le titre suivant : Dessins et merveilles