États-Unis - Justice

Des dessins de Norman Rockwell accrochés à la Maison Blanche au cœur d’une querelle familiale

Par Alexandre Clappe · lejournaldesarts.fr

Le 26 mars 2023 - 588 mots

WASHINGTON / ÉTATS-UNIS

Devenus la propriété de l'ancien attaché de presse de Roosevelt, ils sont aujourd’hui réclamés par ses descendants.

La Maison Blanche a-t-elle été utilisée pour maquiller la situation juridique complexe d’une série d'illustrations de Norman Rockwell ? Le Wall Street Journal rapporte qu’un petit-fils de l'attaché de presse du président Franklin D. Roosevelt (1882-1945) aurait prêté une série de quatre dessins de Rockwell à la Maison Blanche dans le but d’en dissimuler la propriété. 

L’artiste américain avait réalisé les dessins lors d'une visite de la résidence présidentielle en 1943. La série, intitulée « So You Want to See the President », dépeint des membres du Congrès, des officiers militaires, une gagnante de Miss America et d'autres personnes, attendant de pouvoir s'entretenir avec Roosevelt. Elles ont été publiées dans le numéro du 13 novembre 1943 du Saturday Evening Post. Après avoir terminé les illustrations, l'artiste les avait offertes à l’attaché de presse du président, un certain Stephen Early, qui apparaissait également dans l'un des croquis.

Pendant des décennies, soit sept administrations présidentielles, les dessins de Rockwell ont été accrochés à la Maison-Blanche. Mais les héritiers de Stephen Early n'en savaient rien. Ils les ont découverts sur le mur d'un couloir de l'aile ouest en regardant une interview télévisée du président Donald Trump en 2017. Soupçonnant son neveu William Elam d'avoir prêté les illustrations sans l'autorisation de la famille, Thomas Early, le fils de l'ancien attaché de presse, a alors demandé qu'elles soient retirées des murs de la demeure présidentielle. Cependant à sa mort en 2020, les illustrations étaient toujours exposées dans la résidence.

Ce n'est que l'année dernière que la Maison Blanche a discrètement retiré les Rockwell, les remplaçant par plusieurs portraits photographiques du président Joe Biden, comme le rapportait Politico à l'époque. Mais une fois retirées, les illustrations ont été rendues à William Elam, et non aux descendants directs de Thomas Early. 

S’en est suivi un imbroglio juridique sur la propriété des œuvres qui a dressé les différents membres de la famille les uns contre les autres. En février, William Elam a déposé une plainte auprès du tribunal de district de Virginie, alléguant qu'il avait droit à la propriété exclusive des dessins de Rockwell. La plainte affirme que leur propriétaire Stephen Early les avait offerts à sa fille Helen Early Elam en 1949 qui elle-même les a donnés à son fils William Elam. Ce dernier les a ensuite prêtés à la Maison-Blanche en 1978. William Elam demande ainsi au tribunal de lui attribuer définitivement la propriété des illustrations. 

Mais cette semaine, la sœur et les fils de Thomas Early ont déposé une demande reconventionnelle contre William Elam, dans laquelle ils font valoir qu'Helen Elam ne possédait qu'un tiers des droits sur les esquisses de Rockwell et ne pouvait donc pas légalement les transmettre à son fils. La demande affirme en outre que « William Elam [aurait] emmené les Rockwell à la Maison Blanche pour dissimuler le fait qu'il les avait enlevés de la maison de sa grand-mère et pour les cacher pendant une longue période […], dans le but d'en obtenir à terme la propriété exclusive »

Les héritiers de Thomas Early cherchent également à obtenir la propriété des œuvres d'art de Rockwell, ainsi que 350 000 dollars de dommages et intérêts. Les peintures de Rockwell ont toujours atteint des prix à sept ou huit chiffres lors des ventes aux enchères ces dernières années, mais le prix record pour une œuvre sur papier de l'artiste est de 854 500 dollars, pour une étude de Notre problème à tous (1964) vendue chez Sotheby's en 2010.
 

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