Démission fracassante du comité Bührle 

« Notre collaboration de douze mois a été marquée par un grand respect mutuel (…) mais je regrette cependant que nous n'ayons pas trouvé de consensus dans la mise en œuvre concrète ». C’est par ces mots que la directrice du Kunsthaus Zurich, la Néerlandaise Ann Demeester, a officiellement confirmé le 27 octobre par communiqué de presse les rumeurs, révélées d’abord conjointement par la radio suisse alémanique et la radio allemande et relayées depuis une semaine dans les médias suisses, soit la démission du comité Bührle en date du 13 octobre. Cet organe scientifique indépendant constitué de sept éminents membres suisses (spécialistes de la recherche en provenance et professeurs d’université) avait été constitué en novembre 2022 pour accompagner une nouvelle présentation de la collection Bührle au Kunsthaus Zurich. 

Dès l’ouverture de la nouvelle aile du musée d’art zurichois à l’automne 2021, la présentation permanente en ses murs de chefs-d’œuvre de la Fondation Bührle, la collection d’art moderne et impressionniste du fabricant d’armes Emil Bührle (1890-1956), avait suscité beaucoup de critiques, ciblant principalement le manque de contextualisation critique d’une collection constituée durant la Seconde Guerre mondiale et d’une figure de mécène d’origine allemande proche des milieux nazis. Une recherche de provenance lacunaire sur les tableaux exposés avait également été mise en lumière dans les mois qui suivirent l’inauguration de l’exposition permanente, suscitant l’indignation.

Dans une courte lettre de démission, les sept membres du comité scientifique qui ont unanimement pris leurs distances reprochent au Kunsthaus principalement deux faits : d’une part la nature « cosmétique » du comité (notamment le fait que les textes de la nouvelle exposition leur auraient été transmis beaucoup trop tard pour être relus, rendant difficile une rédaction soigneuse) et d’autre part l'orientation de la nouvelle présentation (toujours trop centrée sur la personnalité de Bührle donnant « l'impression que le destin des victimes du régime nazi est une fois de plus marginalisé »). 

Cette démission, qui constitue une nouvelle péripétie dans l’histoire déjà mouvementée de cette collection, arrive à un moment clef : vendredi 3 novembre doit être dévoilée au public l’exposition remaniée des œuvres de la Fondation Bührle au Kunsthaus. Intitulée « Un avenir pour le passé. Collection Bührle : art, contexte, guerre et conflit », l’exposition pas encore inaugurée, porte déjà un parfum de polémique.