Entreprise - Politique culturelle

INGÉNIERIE CULTURELLE

À Clairvaux, la négociation entre Edeis et l’État capote

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 26 février 2025 - 654 mots

Le ministère de la Culture n’a finalement pas donné suite au projet Edeis/Adim. Il était jusqu’ici en négociation exclusive avec le duo pour la reconversion de l’abbaye-prison.

Clairvaux (Aube). En juin 2023, les derniers détenus de la maison centrale de Clairvaux (Aube) quittaient les lieux, amorçant la nouvelle vie de l’abbaye cistercienne, qui fut réaffectée en prison au début du XIXe siècle. En négociation exclusive avec l’État depuis décembre 2023, l’attelage composé de la société d’ingénierie Edeis et Adim (filiale de promotion immobilière du groupe Vinci) devait porter ce projet de requalification culturelle. Mais le tandem a finalement été remercié par un courrier arrivé en fin d’année 2024, selon une information du quotidien L’Est éclair. La décision du ministère de la Culture ne devrait cependant être annoncée qu’en mars, lors d’un comité de pilotage. « Il y a une nouvelle donne, explique en termes choisis Catherine Ferrar, directrice de projets chez Edeis. L’État a décidé de prendre plus de temps, pour assurer cette reconversion pas à pas. » Le contexte politique instable et les économies budgétaires annoncées pèsent dans la décision.

Le projet envisagé par Edeis reposait sur le principe d’« un euro public pour un euro privé investi », pour une enveloppe globale dépassant les 200 millions d’euros.« C’est une reconversion qui ne pourra advenir sans investissement public non plus que sans investissement privé », estime Catherine Ferrar. Or, l’État comme les collectivités locales semblaient attendre une autre proposition de financement au terme de la négociation exclusive : « Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne sent pas un souffle local !, constate Gérard Beureux, président de l’association Renaissance de Clairvaux. L’étape de la négociation exclusive a peut-être également desservi cette cause, puisqu’elle n’impliquait que quelques acteurs. Les collectivités n’ont finalement été remises dans la boucle qu’au moment de leur présenter la note. »

Un enjeu économique

Quelques élus défendent toutefois la nécessité de cette reconversion, comme le président du département, Philippe Pichery, ou le maire de la commune voisine de Ville-sous-la-Ferté, Gérard Picod. De son côté François Baroin, président de Troyes Champagne Métropole (à 80 km de Clairvaux), proposait, début janvier, de faire revenir des détenus au sein de la maison centrale désaffectée. Une réponse à la proposition du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, de réunir en un même lieu les cent plus importants narcotrafiquants. « La promesse formulée par l’État en 2018 d’assurer, dans des délais rapides, la reconversion patrimoniale, économique, culturelle et touristique de ce site avait permis d’offrir une perspective à l’ensemble des habitants », rappelait pourtant le même François Baroin dans un courrier adressé au garde des Sceaux prenant acte de la suspension du projet de reconversion. La maison centrale de Clairvaux ne répondant pas aux critères requis par le ministre de la Justice, l’idée du maire de Troyes n’aboutira pas.

Reste l’enjeu économique territorial, pour ce site qui était le premier employeur durant des décennies. « L’expérience de Lens me fait dire que ça ne peut-être qu’un atout pour ce territoire, estime Catherine Ferrar, qui était auparavant administratrice du Louvre-Lens et a accompagné l’ouverture du musée du Pas-de-Calais. Nous avons un projet global, jusqu’en 2037, des partenariats noués avec d’importants acteurs du territoire, comme le parc d’attractions Nigloland. » Edeis est donc loin d’abandonner son projet culturel. Celui-ci a été dévoilé aux habitants de Ville-sous-la-Ferté en janvier, peu après la rupture des négociations : « Clairvaux, l’esprit grand ouvert » propose un musée national du monde carcéral, un centre d’interprétation sur l’abbaye médiévale, un campus dévolu à l’intelligence artificielle et une offre d’hôtellerie-restauration.

L’État envisagerait désormais de découper en plusieurs tranches cette reconversion d’ensemble, qui serait pilotée sous la forme d’un groupement d’intérêt public. Du côté d’Edeis, on évoque un contrat de territoire, « plus aisé pour débloquer les financements ». En attendant, l’association Renaissance de Clairvaux continuera d’animer le site, avec ses modestes moyens : « Nous allons occuper le terrain de différentes manières. Il va y avoir des choses remarquables dans les deux ans à venir », promet son président. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°649 du 14 février 2025, avec le titre suivant : À Clairvaux, la négociation entre Edeis et l’État capote

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