De Rio de Janeiro à São Paulo, la scène artistique brésilienne vit au rythme de la samba. Rencontre avec des créateurs dont l’œuvre tutoie la vie et la mort.
Boire du jus de coco à même la noix sur la plage de Copacabana ou Ipanema, à Rio. Ou bien préférer la nonchalance de Salvadore de Bahia et y apprendre quelques mouvements de capoeira. À moins de goûter à l’effervescence de São Paulo. Ou encore de se trouver aux prises avec les cosmiques architectures de l’audacieuse et futuriste Brasilia conçue par le grand Oscar Niemeyer. On a le choix. Et pour ceux qui n’iront pas au Brésil : coup de chance, le plus sensuel des pays d’Amérique latine viendra à eux. Et pas seulement avec ses stéréotypes. Depuis mars 2005, la France s’est revêtue de jaune, de bleu et de vert, les couleurs du drapeau brésilien : jusqu’en décembre, c’est l’« Année du Brésil » en France [lire le JdA n° 208, 4 février 2005]. L’occasion de découvrir les mille et une facettes de cette terre de métissage où se mêlent les influences européennes, indigènes et africaines.
C’est dans ce contexte, entre tradition et modernité, que le Brésil affirme sa position artistique : un art proche de ses racines, plus multiculturel que partout ailleurs. À la fois spirituel et fortement lié aux questions d’identité et de corps. Brassage à tous les niveaux donc, car si on a du mal à distinguer les classes sociales, précarité et développement technologique se côtoient et s’affrontent chaque jour dans une insouciante joie de vivre. À peine sorti d’une dictature qui a débuté dans les années 1960 pour s’achever vingt ans plus tard, le Brésil est toujours sous tension, au bord d’une révolution attendue, celle des favelas. Et si les artistes sont généralement issus de bonne famille, éduqués dans de grandes écoles (évidemment privées), chacun d’entre eux a une révolution en tête. Même Oscar Niemeyer, presque centenaire, toujours utopiste mais plus encore lucide, continue à travailler à des projets d’architecture.
Traverser les frontières
Au Brésil, l’art se glisse entre la vie et la mort pour la plupart des artistes, ainsi Tunga ou Miguel Rio Branco. Le très connu Tunga, présent à la Biennale de Venise en 2001, réalise des performances et des installations où crânes, tresses et squelettes opèrent une danse tribale. Une charge spirituelle et fétichiste très marquée. Même expression de la souffrance et de la douleur chez le photographe Miguel Rio Branco, passé par l’Agence Magnum. L’artiste participe cette année aux Rencontres de la photographie d’Arles : ossements, couleurs rougeoyantes, verre brisé et clair-obscur, le spectre de la mort est là, en transparence. Le photographe Artur Omar semble de prime abord plus ancré dans les traditions, et pour cause, il joue avec les clichés du Brésil comme dans ses photographies de carnaval à la sensuelle texture présentées à Arles. Mais Amazonie ou danseuses fières et emplumées du carnaval sont à chaque fois mises hors du temps.
Des couleurs pâles, des bulles et des formes rondes, de la mousse…, les sculptures aux contours organiques d’Ernesto Neto diffusent la sérénité. Tour à tour terrain de jeu ou cocon, ces pièces qu’on a pu tester à la galerie Yvon Lambert à Paris s’adaptent moelleusement aux dimensions du corps. Marepe, originaire de Bahia, nous baigne quant à lui dans les souvenirs de son enfance : pour la prochaine Nuit blanche, en octobre à Paris, il prévoit de faire circuler un personnage habillé de ballons de baudruche ; pour son exposition au Centre Pompidou, à la même période, il place un portrait de son grand-père face à celui de Georges Pompidou. Entre réalité et fantaisie, Marepe révèle surtout une séduisante spontanéité présente chez nombre d’artistes brésiliens. Jusque chez des exilés comme Vik Muniz qui nous invite à ses boulimies visuelles, avec des œuvres réalisées à base de chocolat, de caviar ou de gel capillaire à partir d’une iconographie connue.
Rio, riche de musées d’art moderne et contemporain, est connue pour sa scène artistique animée notamment par Neto, lequel a créé une dynamique en ouvrant avec Márcio Botner une galerie (Gentil Carioca) où il expose ses découvertes artistiques, participant ainsi à la fraîcheur de la scène brésilienne… Le jeune Thiago Rocha Pita qu’il a parrainé pour l’exposition « J’en rêve » à la Fondation Cartier (lire p. 22) est passé par là. Pourtant, avec sa Biennale d’art contemporain, São Paulo, la capitale économique, semble lui voler la vedette. Les artistes s’y regroupent en ateliers. On y trouve aussi les galeries les plus pointues : Brito Cimino, Luisa Strina, Vermelho, Millan Antonio, lesquelles s’ajoutent au parcours artistique qui va de la Pinacothèque au Musée d’art contemporain, en passant par l’institut Itau Cultural. Pas de quoi s’ennuyer dans cette ville dont l’effervescence artistique a traversé les frontières.
L’Année du Brésil en France, www.bresilbresils.org, jusqu’en décembre 2005.
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Brasero brésilien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°219 du 8 juillet 2005, avec le titre suivant : Brasero brésilien