Le marchand new-yorkais Frederick Schultz, accusé le 12 février d’association de malfaiteurs pour l’importation et la détention d’antiquités volées, a été condamné, contre toute attente, à trente-trois mois de prison ferme et à une amende de 50 000 dollars. Cette sanction radicale et sans précédent semble avoir valeur d’exemple aux yeux de la justice américaine.
NEW YORK (de notre correspondante) - Le monde de l’art new-yorkais n’aurait jamais cru cela possible. Et pourtant, un juge fédéral de l’État de New York a condamné, le 11 juin, un célèbre marchand d’antiquités à une lourde peine. En effet, Frederick Schultz, président de la galerie Frederick Schultz Ancient Art, reconnu coupable d’association de malfaiteurs pour l’importation et la détention d’antiquités volées lors d’un premier jugement en février (lire le JdA n° 143, 22 février 2002), devra passer trente-trois mois en prison pour avoir vendu des antiquités récemment sorties d’Égypte. En rendant son jugement, le juge fédéral Jed Rakoff a également condamné l’antiquaire à verser une amende de 50 000 dollars (53 000 euros) et à restituer à l’Égypte un relief datant de l’Ancien Empire. Selon le juge, Frederick Schultz est coupable de vol “dans tous les sens du terme” et de s’être comporté comme “un véritable voleur”. Pour sa défense, l’ancien président de l’Association nationale des marchands d’antiquités, d’art oriental et primitif (National Association of Dealers in Ancient, Oriental and Primitive Art) avait déclaré qu’il ignorait agir en violation de la loi américaine en important les antiquités. La décision du juge ne s’appuie pas uniquement sur la loi américaine, selon laquelle vendre délibérément des biens volés et importés est un délit, mais aussi sur une loi égyptienne de 1983, stipulant que toutes les antiquités récemment découvertes sur le territoire égyptien sont propriété d’État. Or, Frederick Schultz avait reçu les antiquités – dont certaines avaient été découvertes récemment sur le sol égyptien par des agriculteurs et des constructeurs locaux – de Jonathan Tokeley-Parry, un ressortissant britannique qui a dû purger une peine de trois ans de prison en Grande-Bretagne pour son rôle dans cette affaire. Les deux hommes avaient mis en place un stratagème qui consistait à utiliser de fausses fiches d’identification pour les antiquités provenant de la prétendue “Thomas Alcock Collection”, une collection inventée de toutes pièces qui aurait appartenu à une famille britannique depuis les années 1920. Ils espéraient ainsi pouvoir prouver que les objets avaient quitté l’Égypte avant la promulgation de la loi de 1983. Jonathan Tokeley-Parry, cité en tant que témoin, a déclaré lors du procès qu’il avait également fourni à Frederick Schultz des objets qu’il s’était procurés auprès de membres corrompus de la police des Antiquités égyptienne. Toutefois, Frederick Schultz aurait été condamné à une peine moins lourde si le juge Rakoff avait accepté son argument selon lequel l’un des objets – une tête en pierre de la XVIIIe dynastie du pharaon Aménophis III – ne valait plus que 20 000 à 30 000 dollars en raison des interventions de restauration opérées par Jonathan Tokeley-Parry. Mais le juge a réfuté cet argument. Frederick Schultz a vendu la tête 1,2 million de dollars (1,27 million d’euros) et le juge a estimé que les antiquités passées entre les mains de l’antiquaire présentant un intérêt archéologique et historique avoisinaient un total de plus de 1,5 million de dollars. Frederick Schultz avait été libéré sous caution jusqu’à son procès en appel devant la cour de New York, une caution que le défendeur ne pourra pas récupérer.
Quoi qu’il en soit, les personnes impliquées dans le commerce d’antiquités sont à présent prévenues. Leur protection n’est plus assurée si les pièces qu’ils vendent ne sont pas dotées d’une provenance attestée et légale, puisque des pays comme l’Égypte et l’Italie continuent de revendiquer la propriété de tels objets, conformément à leurs lois nationales sur le patrimoine.
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Bien mal acquis...
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : Bien mal acquis...