PARIS
Un motif crapuleux, sans penser au « symbole » : mercredi, trois hommes, dont deux anciens amis fâchés à mort, ont reconnu le vol en 2019 d'une porte du Bataclan ornée d'une peinture de Banksy en hommage aux victimes du 13 Novembre.
Au premier jour du procès à Paris d'un Italien et sept Français pour le vol et le recel de cette œuvre, le tribunal a interrogé les trois trentenaires qui ont reconnu avoir subtilisé la porte, le 26 janvier 2019, peu après 4h00 du matin. « Oui », confirment-ils d'une voix basse à la présidente.
Danis Gerizier et Kévin Gadouche ont « ouvert » la porte au pied de biche puis l'ont « portée », Franck Aubert a « utilisé une meuleuse » reliée à un groupe électrogène dans le fourgon pour « découper les gonds ». La version du premier, seul prévenu dans le box, est à peu près consensuelle. On lui a proposé de participer à l'opération « un mois avant les faits » et, après avoir hésité, il a dit « oui ». « On est venu me chercher, le 25 janvier au soir, tout était prêt ».
En revanche, les deux autres, debout côte à côte à la barre, ne sont d'accord sur quasiment rien. Amis « depuis très longtemps », les deux hommes aux casiers judiciaires chargés ont « coupé les ponts » depuis les faits. Entre eux, la tension est forte.
« Il ment »
Selon Franck Aubert, c'est son coprévenu qui a eu l'idée du vol et c'est lui qui a « tout préparé ». Il reconnaît être allé voir le pochoir par curiosité à l'occasion d'une manifestation des « gilets jaunes » mais réfute tout « repérage ». Plus encore, il affirme qu'il ne voulait pas participer et « espérait que ça avorte ». Travaillant de « 6h30 à 20h00 », avec une « famille à s'occuper », il ne voulait pas « faire de conneries ». S'il s'est résigné, c'est « par peur », après s'être fait « tirer dessus » au « Colt 45 » par son ancien ami, assure-t-il.
« Ce monsieur, il ment », s'énerve Kévin Gadouche. Ils ont eu l'idée « ensemble » et c'est son coprévenu qui s'est chargé d'acheter et de préparer le camion, jure-t-il. « Vous avez de l'expérience : vous avez déjà entendu ça, quelqu'un qui menace quelqu'un d'autre pour aller voler quelque chose ? », lance ce barbu aux cheveux longs retenus en chignon. A son tour, il réfute un autre « repérage », cette fois en novembre 2018, lors d'un trajet à Paris avec son ami Mehdi Meftah qui allait chercher une Ferrari. Son téléphone a borné près du Bataclan ? Il est juste passé en voiture, affirme-t-il.
Mehdi Meftah fait lui aussi partie des prévenus : cet homme, qui dit avoir gagné des millions au loto et a lancé une marque de t-shirt de luxe, est soupçonné d'avoir « commandé » le vol du Banksy, ce qu'il conteste.
« Manque de respect »
Infidélité, menaces, volonté de vengeance : les tensions entre les prévenus et leurs compagnes, tous placés sur écoute, ont mis les policiers sur la piste du lieu où était cachée la porte. Acheminée en Isère, puis dans le Var, elle a ensuite été emmenée à Tortoreto puis dans une ferme de Sant'Omero en Italie, où elle a été retrouvée le 10 juin 2020. Aucune tentative de revente n'avait eu lieu et personne n'avait touché d'argent.
« Ce n'est pas n'importe quelle porte, n'importe quelle œuvre », souligne la présidente du tribunal. « Le Bataclan, c'est un traumatisme pour la France, le symbole est très important. Comment vous vous retrouvez à voler cette porte ? »
« L'argent », répond d'une voix étouffée Kévin Gardouche. « Les Banksy, c'est hors de prix... »
« Vous vous êtes dit : l'argent. Et le symbole des victimes de terrorisme ? », poursuit la magistrate.
« J'ai pas pensé ».
Son coprévenu dit regretter lui aussi. « Je ne savais pas ce qu'elle représentait en fait (...) je ne pensais pas que ça allait avoir autant d'impact ». « Je sais que c'est un très grand manque de respect, c'est sûr », confesse le troisième prévenu, « mais je n'ai pas réfléchi tout de suite ».
Cet article a été publié par l'AFP le 8 juin 2022.
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Banksy du Bataclan : trois prévenus reconnaissent un vol crapuleux, sans avoir pensé au « symbole »
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