ABOU DHABI / ÉMIRATS ARABES UNIS
Lors de la 3e édition, l’émirat a élargi son auditoire à un monde culturel incluant les pays africains et asiatiques émergents. La question des restitutions a fortement animé les discussions.
Abou Dhabi (Émirats arabes unis). « Responsabilité culturelle et nouvelles technologies ». Les thématiques développées lors du Culture Summit organisé du 7 au 11 avril à Abou Dhabi étaient suffisamment larges et consensuelles pour fédérer une foule d’interlocuteurs venus des quatre coins de la planète. Tout en permettant à l’émirat de mettre en avant les secteurs dans lesquels il essaie de prendre le leadership. Les programmateurs du forum, qui ambitionne d’être une sorte de « Davos de la culture », ont ainsi nettement mis l’accent sur la préservation du patrimoine en péril. Un enjeu tristement d’actualité, sur lequel les Émirats arabes unis se sont clairement positionnés en créant avec la France l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit. Une toute jeune organisation qui vient justement de lancer son premier appel à projet.
Sans verser dans le cynisme, on ne saurait être dupe de la vitrine que constitue ce sommet pour les Émiriens et des choix, nécessairement orientés, de sa programmation. L’invitation adressée au Guggenheim pour l’animation de plusieurs tables rondes et workshops n’avait ainsi, elle non plus, rien de fortuit. Richard Armstrong, le patron de la firme américaine, a d’ailleurs profité de sa venue pour relancer officiellement le chantier du « Guggenheim Abu Dhabi », et annoncer son ouverture aux alentours de 2022.
Tremplin et outil de légitimation, le sommet n’en demeure pas moins un lieu intéressant pour prendre le pouls de la culture dans le monde et observer les problématiques qui occupent des acteurs d’origine très variée. Cette pluralité est assurément la plus grande vertu de la manifestation car elle permet de faire entendre des voix d’ordinaire peu audibles dans un monde culturel encore très « occidentalo-centré ». Ici au contraire les pays traditionnellement considérés comme émergents sont très bien représentés. On croise ainsi des artistes africains et libanais, un Germano-Égyptien et de nombreux responsables d’institutions asiatiques comme le directeur du musée d’art moderne et contemporain le Macan à Jakarta ou du M+ de Hongkong.
L’épineuse question des restitutions
L’origine géographique des intervenants explique la place occupée dans le débat par des sujets d’actualité sensibles, comme l’appropriation culturelle, le postcolonialisme et l’épineuse question des restitutions. Abordée de manière épidermique et assez caricaturale, cette dernière s’est ainsi invitée dans de nombreuses discussions, en particulier dans un workshop très animé sur la légitimité des musées dans l’écriture de l’histoire. Le très engagé directeur de la Biennale de Bangkok Apinan Poshyananda s’y est, par exemple, fendu d’une sortie fort peu pondérée en estimant que « les grands musées occidentaux devraient rendre la totalité des œuvres et objets obtenus pendant l’époque coloniale, et les remplacer dans leurs vitrines par des copies 3D s’ils souhaitent en garder une trace ».
Les débats et les échanges, notamment sur ce sujet, se sont prolongés lors des pauses déjeuner et des moments de temps libre. L’une des vocations du forum est d’ailleurs de faire émerger ces dialogues. « Notre but est de discuter des problèmes que rencontre la culture et de faire connaître les initiatives et les solutions développées à travers le monde », résume Mohammed al-Otaiba, le modérateur du sommet. Cette dimension prégnante de partage d’expériences et de constitution de réseaux informels a séduit beaucoup de participants qui ont abondamment utilisé l’application mise en place pour contacter directement les autres interlocuteurs afin d’aller plus loin et de rester en contact après la manifestation.
Culture Summit 2019. Après un démarrage confidentiel en 2017, le « Culture Summit » d’Abou Dhabi, organisé par le département de la Culture et du Tourisme de l’émirat, a gagné en visibilité et s’est même attaché, pour cette nouvelle édition, les faveurs de partenaires de choix dans la culture et la communication, tels que l’Unesco, la Royal Academy of Arts, le Guggenheim, ainsi que l’entreprise Google. Cette consécration institutionnelle a clairement dopé la notoriété du forum qui a séduit cette année un nombre considérable de participants. Pas moins de 450 personnes de 90 nationalités différentes, et d’horizons tout aussi variés, ont ainsi pris part à ce raout.
Parmi cette assemblée hétéroclite on pouvait croiser quelques conservateurs, des commissaires d’exposition indépendants, une poignée de diplomates, des spécialistes de la protection du patrimoine, des patrons de start-up, des poètes, des plasticiens, mais surtout de nombreux responsables de fondation.
Une part importante de l’auditoire ne cachait toutefois pas que la motivation principale de ce séjour était l’opportunité de découvrir le Louvre Abu Dhabi et cet émirat, dont on entend de plus en plus souvent parler. Les Émiriens n’ont d’ailleurs pas lésiné sur les moyens et ont reçu cet aréopage tous frais payés dans des hôtels très luxueux. Abu Dhabi poursuit ainsi sans fard sa stratégie pour se positionner comme une destination et un acteur culturel majeur dans la région.
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Abou Dhabi fortifie son « Davos de la culture »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°523 du 10 mai 2019, avec le titre suivant : Abou Dhabi fortifie son « Davos de la culture »