Le concours pour de nouveaux vitraux, voulu par Emmanuel Macron, attise une nouvelle polémique à l’heure de l’annonce des lauréats. La création contemporaine finira-t-elle par illuminer Notre-Dame ?
Cinq ans après l’incendie de Notre-Dame de Paris, une question enflamme toujours les esprits : des vitraux contemporains y ont-ils leur place ? À l’origine de cette polémique, le souhait, exprimé par Laurent Ulrich, archevêque de Paris, et auquel a souscrit avec enthousiasme le président de la République Emmanuel Macron, « de commander une série de six vitraux pour les chapelles latérales sud de la nef ». Tandis que le chef de l’État, après une visite de chantier, annonçait fin 2023 « lancer un concours afin de permettre aux artistes contemporains de soumettre une œuvre figurative », une pétition en ligne voyait le jour pour s’opposer à cette initiative. « Les vitraux de Notre-Dame conçus par Viollet-le-Duc l’ont été comme un ensemble cohérent. Il s’agit d’une véritable création que l’architecte a voulu fidèle à l’origine gothique de la cathédrale. Aux vitraux historiés du déambulatoire, du chœur et du transept s’ajoutent, dans les chapelles de la nef, des verrières purement décoratives en grisaille. Il y a ici une recherche d’unité architecturale et de hiérarchisation de l’espace qui fait partie intégrante de son œuvre et que les travaux avaient notamment pour but de retrouver », soulignent ainsi les adversaires du projet, fédérés par La Tribune de l’art qui a récolté plus de 230 000 signatures. La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, organisme consultatif en matière de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine, ne leur a pas donné tort, en rendant à son tour, en juillet dernier, un avis unanimement négatif.
Or il ne s’agit pas d’un nouvel épisode de l’éternelle querelle des anciens contre les modernes, relève un édito du Monde en septembre dernier. Ce n’est pas en effet la possibilité d’un geste contemporain dans un site classé qui fait controverse, mais le contresens historique à l’œuvre, selon les tenants de la conservation du statu quo.
Pour mémoire, entre 1855 et 1865, les architectes Jean-Baptiste Lassus et Eugène Viollet-le-Duc firent réaliser pour la cathédrale un décor vitré qu’ils souhaitaient « le plus respectueux possible des traditions médiévales », peut-on lire sur le site du ministère de la Culture. « Leur programme fut réfléchi pendant une dizaine d’années avant d’être mis en œuvre suivant un agencement mêlant harmonieusement verrières figurées et verrières ornementales, vitraux à grandes figures pour les baies hautes du chœur, vitraux légendaires pour quelques chapelles et verrières en grisaille pour le reste de l’édifice. » Pour les six chapelles concernées, les dessins des vitraux conçus dans un esprit néo-gothique sont purement décoratifs, mais ils ont été pensés en regard des peintures murales, dans un jeu de correspondances chromatiques. Ces créations in situ sont par ailleurs classées, au même titre que l’ensemble de l’édifice. Et elles ont miraculeusement échappé à l’incendie de 2019. D’où l’ire des opposants à leur remplacement.
C’est sur un autre prodige, celui de la Pentecôte et de la Descente du Saint-Esprit sur les apôtres, qu’ont dû se pencher les artistes dont les candidatures ont été retenues en septembre. Après avoir pris en compte l’avis du Comité artistique présidé par Bernard Blistène, une liste de huit tandems artistes-verriers a été établie pour cette deuxième phase, retenant les candidatures des artistes Jean-Michel Alberola, Daniel Buren, Philippe Parreno, Christine Safa, Claire Tabouret, Gérard Traquandi, Yan Pei-Ming et Flavie Vincent-Petit. Ils doivent être associés à une manufacture spécialisée dans les vitraux. L’artiste Pascal Convert, peu désireux, semble-t-il, de poursuivre le concours, a discrètement fait savoir qu’il se retirait (il se présentait conjointement avec le maître verrier Olivier Juteau et la Maison Lorin). À charge pour les huit tandems en lice de proposer une alternative inspirée, afin d’orner ces baies hautes « garnies de verres blancs entourés d’une bande bleue ornée de fleurs de lys, [qui] déversaient dans la cathédrale une lumière blanche, voire crue », d’après la description du cahier des charges.
La querelle des vitraux, bis repetita
La volonté du président de la République de remplacer six vitraux réalisés à l’initiative d’Eugène Viollet-le-Duc a provoqué un tollé chez les défenseurs du patrimoine, qui font ressurgir presque à l’identique une polémique vieille de près d’un siècle. Dans les années 1930 en effet, la controverse autour des vitraux de Notre-Dame de Paris a réuni artistes, conservateurs et public, alors que l’idée de remplacer les vitraux en grisaille de Viollet-le-Duc par des œuvres modernes faisait débat. En 1937, douze artistes verriers, menés par Louis Barillet, ont proposé d’installer de nouveaux vitraux pour l’Exposition universelle. Bien accueillis, ces vitraux ont été installés dans la cathédrale, suscitant une ardente querelle entre défenseurs de l’art sacré moderne et conservateurs du patrimoine. La guerre a interrompu le projet, et les vitraux ont été retirés. Beaucoup sont restés stockés à Notre-Dame jusqu’à l’incendie de 2019, après lequel certains ont été restaurés et exposés, redonnant vie à ce patrimoine oublié.
Maxime Guillot
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Vitraux de Notre-Dame de Paris concours et controverse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°781 du 1 décembre 2024, avec le titre suivant : Vitraux de Notre-Dame de Paris concours et controverse