Une synagogue de Moselle en instance de classement

La synagogue d’Ennery, située dans un petit village de Moselle, est un rare vestige de l’histoire du judaïsme lorrain. Face au risque d’effondrement constaté en juillet dernier, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a décidé de placer la synagogue en urgence sous le régime de « l’instance de classement » au titre des monuments historiques. 

Cette décision du 2 août confère à l’édifice tous les effets du classement pendant un an, mais celui-ci n’est pas définitif. Cela permet à l’État de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer les travaux de consolidation et étudier les modalités d’une sauvegarde pérenne, en partenariat avec les autorités locales et les propriétaires privés du site. 

Édifiée en 1819, la synagogue, désaffectée depuis 1957 et vendue à des propriétaires privés en 1962, est l’une des premières synagogues à avoir été bâties dans la région de Metz, après l’émancipation des Juifs de France en 1791. Elle était inscrite depuis 1984, mais pas classée au titre des monuments historiques. 

La synagogue, d’un aspect extérieur simple, a subi très peu de modifications depuis sa construction. La maison rectangulaire en moellon de calcaire recouvert d’un enduit, surmontée d’une toiture en tuiles mécaniques, est volontairement discrète. Édifiée en fond de parcelle et invisible de la rue, elle est dépourvue de tout signe religieux explicite. Elle conserve cependant des éléments de décor intérieur, en particulier la tribune des femmes, ornée de festons orientalisants. 

Si son esthétique n’a rien de spectaculaire, son intérêt historique est en revanche important. Il existe de nombreuses archives documentant la vie de la communauté juive d’Ennery et témoignant de ses relations avec le reste de la population locale, qui oscille entre l’acceptation et la méfiance. 

La synagogue d’Ennery est aujourd’hui l’un des rares et des derniers vestiges du patrimoine juif rural qui a quasiment disparu. Si l’Alsace compte près des deux tiers des synagogues construites en France, la moitié d’entre elles auraient été transformées. Les membres de la communauté juive ont massivement quitté cette région suite aux persécutions intervenues pendant la période nazie. « Dans l’Alsace occupée, les nazis ont essayé de faire disparaître les traces du judaïsme », explique le sénateur Pierre Ouzoulias (PCF). « Il serait dramatique que ce patrimoine qui est parvenu à échapper à l’entreprise de destruction nazie finisse aujourd’hui par disparaître, faute de protection. »

En juillet 2022, Pierre Ouzoulias, avec la commission de la Culture du Sénat, avait rendu un rapport sur l’état du patrimoine religieux en France, alertant sur les menaces pesant sur le patrimoine juif d’Alsace.  

Il explique que « la protection au titre des monuments historiques qui vient d’être prise ne résout pas tout. Il y a un vrai travail à mener derrière ». Conscient de la difficulté du dossier, Pierre Ouzoulias plaide pour un inventaire complet du patrimoine juif rural d’Alsace-Lorraine, qui serait mené par la région Grand Est. « Il faudrait dénombrer ces édifices, clarifier leur statut et établir un bilan sanitaire, sans oublier les cimetières juifs qui sont souvent à l’abandon et régulièrement vandalisés », insiste l’élu.