Une évocation de Rodolfo Siviero, décédé en 1983, au travers du témoignage d’un de ses plus proches collaborateurs, Antonio Paolucci. L’actuel directeur du Patrimoine artistique et historique de Florence se souvient de leur première rencontre, et des conditions dans lesquelles le fameux catalogue Siviero fut constitué.
FLORENCE - La scène se passe dans les années 1970-1972, au palais Venezia, dans le bureau de la Délégation pour les restitutions, dirigée alors par le ministre plénipotentiaire Rodolfo Siviero. Deux jeunes diplômés du Patrimoine de Florence, Antonio Paolucci et Luciano Bellosi, sont convoqués par le mythique Siviero. L’homme a eu une vie pour le moins romanesque et connaît parfaitement les arcanes du pouvoir et du monde de l’art : indicateurs, marchands à la limite de la légalité, antiquaires énigmatiques, grands de ce monde.
Un homme auréolé de la gloire d’avoir rendu à l’Italie, au milieu des conflits opposant adversaires et inconditionnels du régime, une grande partie de son patrimoine artistique, disparu pendant (mais aussi avant et après) la Seconde Guerre mondiale. Un homme "un peu Malraux, un peu Gabin", comme se plaît à le rappeler Antonio Paolucci, devenu aujourd’hui le directeur du Patrimoine artistique et historique de Florence.
Les deux jeunes chercheurs sont enrôlés sans trop d’explications. Il s’agit de dresser un catalogue, de mettre de l’ordre dans les archives d’un bureau prestigieux du ministère des Affaires étrangères. Rapidement, ils extraient des archives Siviero un millier de titres concernant des œuvres d’art soustraites, vendues, ou disparues. Lorsque le travail est achevé (en définitive, ce seront près de mille cinq cents œuvres qui seront cataloguées), il ne fait aucun doute que la liste sera publiée sous peu et servira à étayer les demandes de restitution déposées auprès des États étrangers.
Ce véritable catalogue scientifique constitue une base documentaire incontestable : il donne la localisation, la description et l’identification des propriétaires des œuvres en question. Plus de vingt ans après, cet inventaire se trouve toujours dans le coffre-fort d’un bureau du ministère des Affaires étrangères, mais sa publication semble désormais acquise.
Parallèlement, les œuvres que Siviero a réussi à récupérer ont rejoint les musées italiens, après avoir été exposées au palazzo Vecchio de Florence, en 1984. Cent quarante œuvres soustraites ou acquises par les nazis, dont le Judith et Holopherne de Rubens, autrefois dans la collection Contini-Bonacossi, un Portrait de gentilhomme de Memling, ayant appartenu à la Galerie Corsini et vendu en 1941 à Hitler sur ordre de Mussolini, le Pygmalion et Galaté du Bronzino, propriété des Barberini, et une étude pour la Pietà Rondanini de Michel-Ange. Jusqu’en 1988, Florence caressa l’idée de les conserver définitivement dans un "musée de l’œuvre retrouvée", au palazzo Vecchio, mais elles ont finalement été rendues, sur ordre ministériel, aux différents musées italiens, leurs propriétaires légitimes.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : "Un peu Malraux, un peu Gabin"