Le sort de deux mosaïques des IVe et VIe siècles découvertes sous le dallage du Dôme de Pesaro devrait être tranché le 17 mai par le ministre italien de la Culture Walter Veltroni. L’historien de l’art Federico Zeri se prononce pour leur dépose, tandis que le surintendant pour l’Archéologie s’y oppose.
PESARO. En 1990, à l’occasion de travaux de consolidation et de restauration menés dans le Dôme de Pesaro, une mosaïque du IVe siècle a été mise au jour sous une autre mosaïque du VIe siècle, elle-même découverte au milieu du siècle dernier sous le dallage moderne. Les graves désaccords qui ont alors opposé les deux surintendances chargées de la surveillance des travaux ont bloqué l’intervention il y a trois ans. Puis, après qu’une commission de techniciens du ministère des Biens culturels ait décidé que le dallage du XIXe siècle serait restauré mais que les deux mosaïques antérieures resteraient enterrées, la polémique est repartie de plus belle, attisée par l’historien de l’art Federico Zeri : "Les 900 m2 de mosaïques du VIe siècle recouvraient le sol de l’église jusqu’au XVIIe siècle. Les nombreuses réfections datant de diverses époques médiévales en font un des témoignages fondamentaux de l’art de cette période. Outre leur rareté, leur technique est curieusement semblable aux mosaïques tardives d’Afrique du Nord et présente d’étranges affinités avec les mosaïques retrouvées dans les villas antiques de Grande-Bretagne, elles aussi fort tardives." Cette mosaïque à tesselles polychromes en marbre, terre cuite et pâte de verre, daterait de 550 environ. Elle se présente comme une série de "tapis" rectangulaires dont le plan reprend celui de la basilique paléochrétienne à trois nefs, sur laquelle la nouvelle église a été édifiée au XIIe siècle. La décoration offre au centre des motifs figuratifs et, sur les bandeaux latéraux, des motifs géométriques : carrés et losanges, dessins curvilignes. Les médaillons représentent des sujets symboliques tels que sirènes à double queue, paons, poissons et créatures marines multicolores… La mosaïque sous-jacente, probablement de même dimension, remonte au IVe siècle. Ses motifs géométriques et animaliers ne sont que partiellement visibles et l’incendie qui a détruit l’église durant les guerres contre les Goths l’a endommagée. Dès la découverte de ce second sol, 70 cm sous le premier, les spécialistes se sont demandés comment récupérer et exposer ces deux mosaïques. La surintendante pour les Biens architectoniques de la Région des Marches, Maria Luisa Polichetti, a proposé de déposer le sol supérieur pour le reconstituer à l’abri d’une structure placée dans le jardin avoisinant le Dôme, et de créer une salle hypogée haute de deux mètres pour rendre accessible la mosaïque du IVe siècle, tout en conservant le dallage du XIXe siècle que l’on aurait surhaussé.
Conservation in situ ou pas ?
"Je ne vois pas pour quelle raison la mosaïque supérieure ne pourrait pas être déposée, montée sur des panneaux de ciment et reconstituée ailleurs", interroge Federico Zeri, résolument opposé à la solution envisagée qui consiste à recouvrir la mosaïque d’un dallage de marbre percé de quelques regards : "Cela reviendrait à dépenser deux milliards de lires (7 millions de francs) pour un système de poutrelles et de couverture interdisant pratiquement toute autre fouille à l’avenir, un système qui ruinerait pratiquement tout." Le surintendant pour l’Archéologie, Giuliano De Marinis, convient que cette solution "ne saurait être considérée comme optimale puisqu’elle rend très difficile de nouvelles interventions sur la mosaïque supérieure. Mais ce faisant, on en garantit la conservation, ce qui est l’objectif primordial." Sur la dépose, De Marinis est formel, c’est "Non !" L’exposition de la mosaïque dans un autre contexte "entraînerait une présentation incorrecte du monument plus ancien." Enfin, De Marinis s’oppose également à la surélévation du sol pour aménager un accès à la mosaïque du IVe siècle : "Cela fausserait les proportions de l’église actuelle." Le ministre de la Culture Walter Veltroni devrait faire connaître sa décision le 17 mai.
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Tesselles de la discorde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°38 du 16 mai 1997, avec le titre suivant : Tesselles de la discorde