Au terme de longues années de tractation, le Musée du quai Branly fait revenir un rare fétiche africain au sein des collections nationales.
Objet rituel magique de protection, cette statuette servait à assurer la prospérité des récoltes ou, au contraire, à attirer le mauvais sort, voire à entraîner la mort d’un ennemi. Statuette masculine de type kondé, elle représente un ancêtre ou un personnage célèbre. Traditionnellement, on enfonçait des clous dans son abdomen pour activer son pouvoir. Fait rare, celle-ci n’a pas subi de scarifications. Ses dimensions, relativement importantes pour un fétiche, en font également un objet atypique.
Cette pièce serait originaire de la région de Mouyondzi, dans l’actuelle République du Congo. Elle a intégré les collections nationales en 1934 grâce au révérend père Constant Tastevin. Parti évangéliser l’Amazonie au début du XXe siècle, ce prêtre se découvre alors une passion pour la cartographie et l’étude des langues et des coutumes locales, avant de s’intéresser à l’Afrique. Ses activités scientifiques le mettent en relation avec Paul Rivet, le futur directeur du Musée de l’homme.
En 1972, on constate à l’occasion d’un récolement que cette pièce n’est pas conservée en réserve, contrairement à ce qu’indiquent les registres. Cette découverte n’entraîne étonnamment pas de plainte. On ne parle de sa disparition qu’en 1983, lorsqu’un membre de la Société des amis du Musée de l’homme remarque l’objet dans une vente aux enchères à New York. La pièce est identifiée comme un objet manquant dans les collections nationales et retirée de la vente. Commencent alors de longues tractations.
On apprend que son possesseur de bonne foi est le collectionneur américain Ben Heller. Il l’a acheté deux ans plus tôt et serait son quatrième possesseur depuis son vol ! Il accepte de restituer la pièce contre rétribution. Ce deal ne pouvant être accepté –on ne rachète pas un objet inaliénable –, les discussions tournent court. L’affaire reste au point mort pendant plus de vingt ans jusqu’à ce qu’en 2009, le Musée du quai Branly entame une négociation à l’amiable avec le possesseur.
La négociation est infructueuse, le possesseur voulant obligatoirement être dédommagé. Il engage même un procès contre le musée pour trouble de jouissance ; procès qu’il perd évidemment. Sentant sa dernière heure arriver, Ben Heller veut mettre ses affaires en ordre et demande dans son testament à ce que la branche américaine de la Fondation du roi Baudouin fasse l’intermédiaire entre ses héritiers et le musée pour que cette pièce puisse enfin réintégrer les collections nationales.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Statuette Bembe
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°741 du 1 février 2021, avec le titre suivant : Statuette bembe