Des associations se penchent sur la restauration de son patrimoine.
PARIS, PORT-AU-PRINCE - Le séisme qui a ravagé Haïti le 12 janvier, faisant des dizaines de milliers de morts et plus d’un million de sans-abri, a touché la totalité des édifices emblématiques de la nation. La cathédrale, le Palais national, le Palais de justice, les églises de Sainte-Anne ou de Saint-Joseph, les ministères de la Justice et de la Culture, les bibliothèques ou centres d’archives, le lycée Alexandre-Pétion, les écoles comme celle de Saint-Louis-de-Gonzague…, les innombrables images diffusées après la catastrophe montrent la ville de Port-au-Prince telle un champ de ruine.
L’aide internationale s’organise cependant pour permettre aux Haïtiens de reconstruire le pays en misant sur leur culture. Ainsi, l’association Patrimoine sans frontières (PSF) s’est rendue sur place en février. Après sa visite à Port-au-Prince et à Jacmel (autre localité gravement endommagée), l’association créée en 1992 à l’initiative du ministère de la Culture a défini son champ d’action, en partenariat avec l’association nationale des architectes des Bâtiments de France (ABF).
Agir vite
Patrimoine sans frontières a décidé de concentrer ses efforts en premier lieu sur la sauvegarde des peintures murales de la Sainte-Trinité. De cette cathédrale épiscopale bâtie à Port-au-Prince en 1914 ne subsistent que quelques éléments au milieu des gravats : une Cène exécutée par Philomé Aubin dans l’abside de la Trinité, un Baptême du Christ dû à Castera Bazile (sur un pan de mur) et un fragment figurant la Nativité de Rigaud Benoît. Ces peintures ont été réalisées entre 1950 et 1955 par la première génération d’artistes naïfs haïtiens qui, loin des canons occidentaux, a su développer des créations personnelles stylisées, inspirées de la vie quotidienne.
Dans un premier temps, PSF va mettre à l’abri des intempéries comme des receleurs les éléments subsistants de ce décor puis récolter tous les fragments de peintures en vue d’une restauration. « Il faut agir vite car les bulldozers passent en raison de questions sanitaires », précise Frédéric Auclair, président de l’association nationale des ABF. « Si la cathédrale est reconstruite, l’idée est, ensuite, de faire travailler des peintres haïtiens pour compléter le programme iconographique. De la même manière, nous souhaitons transmettre notre savoir-faire, former des architectes sur place, des promoteurs aussi, afin de mieux construire à l’avenir », ajoute-t-il, soulignant la difficulté de rebâtir les éléments identitaires du pays dans une situation instable.
Dans cet état d’esprit, l’association PSF va mettre en place des formations destinées aux ouvriers et aux artisans sur le chantier de la Trinité. « Nous travaillons pour favoriser l’embauche des Haïtiens », explique Delphine Mercier, directrice des projets de PSF. Les projets développés autour du patrimoine immatériel et de la transmission de la mémoire seront réalisés avec le concours des étudiants haïtiens, lesquels pourront ainsi valider leur année. L’association PSF en a évalué le coût à 100 000 euros, un montant pour lequel elle a lancé un appel aux dons.
Loin d’être isolée, la mission de PSF s’inscrit dans un programme plus vaste auquel participent des organismes comme l’Unesco ou l’Icomos. Le Conseil international des monuments et des sites doit ainsi prochainement envoyer sur place des compagnons afin de former les ouvriers haïtiens. Le 16 février, à Paris, l’Unesco a formé, conjointement avec le ministère de la Culture haïtien, un « Comité international de coordination » pour la culture haïtienne destiné à dresser au plus vite un inventaire des sites et collections à protéger ; celui-ci a suggéré l’instauration d’un fonds permanent pour venir en aide aux artistes.
Le 24 mars, lors d’un forum réunissant dans son siège parisien divers acteurs du monde culturel, l’Unesco a rappelé l’importance de la formation d’une main-d’œuvre sur place comme du renouvellement des méthodes de protection du patrimoine. L’occasion de souligner les grands principes de cette reconstruction sociale et économique qui doit impérativement « être tournée vers et inspirée par les Haïtiens ».
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Séisme - Rebâtir Haïti
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : Séisme - Rebâtir Haïti