Droit

Questions d'actu à Vincent Négri

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 20 mai 2013 - 650 mots

Aurélie Filippetti a annoncé une grande loi sur le patrimoine pour 2013, l’année du centenaire de la loi de 1913 qui constitue le socle de notre législation sur le patrimoine.

Nous célébrons cette année le centenaire de la loi de 1913 sur les monuments historiques, quelle place occupe-t-elle dans l’histoire de la protection du patrimoine ?
Vincent Négri : Bien qu’il ne s’agisse pas du premier texte législatif sur le patrimoine, la loi de 1913 constitue un jalon essentiel ; elle est la matrice de notre droit du patrimoine. Elle marque un tournant, car elle a amorcé une vision nouvelle des différents modes de constitution du patrimoine. De sorte qu’aujourd’hui, notre Code du patrimoine concerne des domaines très diversifiés : les monuments historiques, bien sûr, mais aussi les bibliothèques, les archives, l’archéologie, les espaces protégés, le dépôt légal ou encore la circulation des biens culturels.

Quelles ont été les grandes évolutions des lois patrimoniales en un siècle ?
La notion de patrimoine s’est élargie et les lois se sont développées en conséquence. Cependant, la loi de 1913 constitue le noyau dur de la législation ; c’est elle qui a inspiré nombre des textes successifs. Schématiquement, notre législation patrimoniale repose sur trois piliers : les monuments historiques, l’archéologie, et les sites et paysages. Ces grands textes ont ensuite servi de base pour doter la protection du patrimoine de nouveaux outils juridiques et aborder d’autres enjeux. Au terme de ces différentes évolutions, nous disposons, à ce jour, d’un arsenal législatif complet, et néanmoins perfectible.

Justement, certaines nouvelles lois sont critiquées par les spécialistes ; notamment une disposition de la loi Grenelle II, sur laquelle la ministre de la Culture semble vouloir revenir, en quoi consiste ce texte ?
Cette loi implique de transformer, d’ici à juillet 2015, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager en aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine. Or, ces deux dispositifs ont un objectif différent, car le second fait intervenir un volet « valorisation » qui est absent du premier ; il ne s’agit donc plus uniquement d’une approche de conservation du patrimoine, mais aussi de la prise en compte de sa dimension économique. Cette loi implique, par ailleurs, la perte de certaines des prérogatives des architectes des Bâtiments de France. La conjonction de ces deux facteurs a pu, effectivement, provoquer une certaine inquiétude parmi les spécialistes, mais il est trop tôt pour dresser un bilan, il faudra attendre d’avoir un échantillon représentatif pour apprécier l’impact réel de cette évolution.

Le ministère de la Culture annonce un grand projet de loi sur le patrimoine pour la fin de l’année. Selon vous, quels domaines sont perfectibles ?
Le principe d’attribution des découvertes archéologiques, qui prévoit le partage entre l’État et le propriétaire du terrain, est fossilisé depuis plus de soixante-dix ans. Une évolution est nécessaire, car, aujourd’hui, cette règle participe à la dispersion d’un patrimoine qui constitue les racines de notre histoire collective. Sur un autre plan, l’inventaire général du patrimoine culturel pourrait être inscrit dans le Code du patrimoine, afin de renforcer sa dimension territoriale et son articulation avec les missions de l’État. Décentralisée depuis 2004, cette mission d’inventaire apporte une contribution forte à la connaissance et à la diffusion du patrimoine, à l’échelle des territoires. Elle pourrait s’imposer comme un pivot des politiques patrimoniales développées par les collectivités territoriales. Enfin, il faudrait élargir la notion de patrimoine à la dimension immatérielle, qui n’est présente actuellement dans aucun cadre législatif adapté.

La loi de 1913

La loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques instaure les instances de classement et d’inscription pour les immeubles présentant, du point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public.

360

C’est le nombre de biens immobiliers protégés au titre des monuments historiques en 2012.

Repères

Vincent Négri est chercheur associé au CNRS et coauteur (avec Marie Cornu) du Code du patrimoine commenté.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°658 du 1 juin 2013, avec le titre suivant : Questions d'actu à Vincent Négri

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