LAUSANNE / SUISSE
Après le Musée cantonal des beaux-arts, les collections photographiques et celles de design ont emménagé dans leur nouvel écrin du quartier des arts de la ville de Lausanne.
Lausanne (Suisse). Un nouveau musée à Lausanne ? Non, un déménagement, mais de ceux qui ne passent pas inaperçus. Alors que le Musée cantonal des beaux-arts (MCBA) avait pris place, le premier, en septembre 2019 sur une esplanade jouxtant la gare de Lausanne, destinée à devenir le quartier des arts de la ville (lire le JdA no 529, 20 septembre 2019), les collections cantonales photographiques (Photo Élysée) et de design (Mudac, musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains) viennent d’emménager à leur tour dans ce qui promet d’être un lieu-clé de la cité lémanique. Après son inauguration officielle le 15 juin, l’entité dénommée « Plateforme 10 » qui réunit les trois musées est enfin ouverte au public, attirant près de 30 000 visiteurs durant le week-end d’ouverture des 18 et 19 juin. Avec ce chantier au coût de 200 millions de francs suisses (196 M€), fruit d’un partenariat public-privé mené au pas de charge en treize années (une gageure pour le contexte suisse, qui plus est avec la pandémie), ce quartier des arts unique en Suisse, vaste de 25 000 m2, peut enfin se découvrir dans son ensemble.
Après 629 jours de fermeture, les collections photographiques comme de design ont quitté les pièces cossues des hôtels de maître lausannois où elles étaient jusqu’à présent exposées pour s’installer dans des espaces très contemporains. À côté du long bâtiment très sobre du MCBA élevé par le cabinet barcelonais Barozzi Veiga, les architectes du cabinet portugais Aires Mateus ont construit pour les deux musées un édifice cubique de béton blanc qui accroche le regard. C’est sous la devise « un musée, deux musées » que les architectes choisis sur concours ont conçu ce bâtiment qui présentait la contrainte de devoir abriter deux musées aux collections diamétralement opposées sur le plan de leur présentation. À l’étage, le musée de design dont les pièces demandent de la lumière, au sous-sol donc la photographie, médium qui exige une luminosité contrôlée.
Malgré ces transformations, Nathalie Herschdorfer, nouvelle directrice – à la suite de Tatyana Franck – du musée de la photographie créé en 1985, l’un des plus anciens d’Europe, insiste sur la continuité. À l’exception de la modernisation du nom (« Photo Élysée » et non plus « Musée de l’Élysée ») et de l’identité visuelle, Photo Élysée, « sous son nouveau toit, gardera son identité tout en se réinventant : le lieu produira et accueillera des projets qui révèlent la photographie dans toute sa diversité – du papier à l’écran – tout en décloisonnant le médium. Il sera fluide, élastique et adaptable dans ses rencontres et ses dialogues avec les autres arts ». Car la directrice fait le pari que dans ses nouveaux espaces, en cohabitation avec d’autres disciplines artistiques, « Photo Élysée décloisonnera le médium photographique, expérimentera, se réinventera ». « Je vois de très nombreux ponts possibles avec le MCBA et le Mudac, nos voisins. Il y aura de grands projets thématiques transdisciplinaires à mettre sur pied entre institutions. J’ai le rêve de voir la photographie s’inviter sur les murs des deux autres musées, et je souhaite accueillir objets ou peintures sur les murs de Photo Élysée. » C’est en réalité déjà chose faite avec la grande exposition d’inauguration autour de l’imaginaire du train et du voyage ferroviaire, « Train Zug Treno Train », à laquelle les trois musées contribuent concomitamment en mélangeant les genres et disciplines artistiques : on retrouve ainsi, au Mudac, un projet photo de Sophie Calle, « Anatoli », sur un voyage dans le Transsibérien tandis qu’une version du fameux Pont de l’Europe de Caillebotte est présentée sur les cimaises de Photo Élysée.
Un plateau à la scénographie mobile de 1 580 m2 permet la présentation d’expositions temporaires mais aussi, pour la première fois, celle du fonds photographique du musée, riche de 1 200 000 phototypes datant des années 1840 à nos jours, selon un roulement trois fois par an à raison de 100 images issues de soixante thèmes transversaux à la collection (« autoportraits », « photographies de mode » ou « nature morte »…). De nombreux fonds ou archives photographiques comme ceux de Charlie Chaplin, Sabine Weiss ou René Burri sont également conservés à Photo Élysée. La création numérique n’est pas en reste avec le « Lab’Élysée », dont la première exposition est consacrée au vidéaste américain Tony Oursler autour de témoignages de rencontres avec des ovnis. Pour Marc Donnadieu, conservateur du musée, il est nécessaire aujourd’hui de « réinterroger les catégories » en partant du principe que Photo Élysée est « le musée de toutes les photographies », jusqu’à la photographie brute et amateur, sans hésiter à questionner la mort du genre photographique.
Ancrer le lieu dans l’actualité et suivre les évolutions du médium sont les pistes esquissées par Nathalie Herschdorfer : « la programmation affirmera la diversité : de photographes, d’époques, de générations, de genres, de géographie. Mon programme défendra les voies multiples de la photographie et la création contemporaine ». Cette diversité, c’est aussi celle du médium qui existe sous d’autres formes quecelles du tirage : « on le trouve sur les murs mais aussi sur les écrans, dans les livres et magazines, ou dans l’espace public. L’une des missions de Photo Élysée est de soutenir la création contemporaine, notamment avec le prix Élysée qui est décerné tous les deux ans, et un programme consacré à la photographie émergente. La création contemporaine sera au cœur de mon programme. Photo Élysée doit être un lieu vivant, réactif et sensible aux questions sociétales et à l’actualité ».
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Photo Élysée rejoint Plateforme 10
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : Photo Élysée rejoint Plateforme 10