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Pavillon des Sources : un démontage et des interrogations

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 26 février 2024 - 964 mots

Menacé de destruction par l’édification d’un nouveau bâtiment de l’Institut Curie, le pavillon historique sera finalement démonté et remonté à proximité du site. Une « solution » qui laisse en suspens nombre de questions.

Le Pavillon des Sources. © Institut Curie
Le Pavillon des Sources.
© Institut Curie

Paris. La nouvelle ministre de la Culture était attendue au tournant sur le dossier patrimonial du pavillon des Sources, ce petit pavillon de l’ancien laboratoire de Marie Curie qui se trouve au sein du site parisien de l’Institut Curie (5e arrondissement), centre de lutte et de recherche contre le cancer en France. Mais Rachida Dati, en proposant son démontage et remontage, n’a pas réellement tranché. La solution proposée permet le développement de l’unité spécialisée dans la biologie chimique – avec un surcoût dû au déménagement du pavillon –, sans toutefois convaincre ceux qui se sont élevés contre la destruction initialement programmée.

En mémoire de Marie Curie

De l’aveu même de certains défenseurs de la préservation du site, l’enjeu patrimonial réside davantage dans la mémoire des lieux associée à la figure de Marie Curie (1867-1934) que dans l’intérêt architectural du petit bâtiment. Même si un petit fronton allégorique témoigne d’un certain soin apporté dans l’édification du pavillon, en 1915. Pour répondre à cet enjeu mémoriel, l’Institut Curie propose d’ajouter « Marie Curie » au nom du bâtiment neuf, initialement baptisé « Claudius Regaud », du nom du cofondateur de l’Institut. Annoncé en 2021, ce nouvel équipement abritera les laboratoires dévolus à la recherche sur la biologie chimique associée au développement des cancers. Un champ pionnier et prometteur : en 2023, le docteur Raphaël Rodriguez – qui dirige ce pôle de recherche pour l’Institut Curie – mettait en évidence le rôle des oligo-éléments métalliques dans la métastase des tumeurs.

D’un côté, la préservation du patrimoine et de la mémoire, qui plus est associés à une grande figure féminine, de l’autre la recherche sur l’une des premières causes de mortalité : pour le ministère de la Culture, il fallait trouver une solution sans opposer les deux. Le déminage se fait en trois temps : une suspension des travaux de démolition décidée par l’ancienne ministre Rima Abdul Malak, puis une déconstruction-reconstruction annoncée par sa successeure Rachida Dati, qui sera suivie d’un classement du pavillon. Une protection a posteriori dont Julien Lacaze, président de l’association Sites & Monuments, pointe le risque : « Cela fait écho au dossier de la halle Lustucru à Arles, démontée pour laisser place à un ensemble commercial et dont les éléments sont en train de rouiller sur un terrain. Notre combat a été d’obtenir le classement des parties au titre des objets mobiliers, ce que la ministre [alors Françoise Nyssen] a toujours refusé. La promesse du remontage n’a toujours pas été tenue… »

Plusieurs exemples démontrent ainsi qu’une promesse de démontage-remontage néglige souvent la seconde partie de l’engagement. Le cas du pavillon des Sources pose en particulier des questions techniques sur la conduite de ce déménagement : si l’Institut Curie évoque une déconstruction « pierre par pierre », le petit bâtiment repose sur une maçonnerie en brique, surmontée en son dernier niveau d’un étage en pierre. On ne sait pas encore si seule la partie en pierre sera préservée, ou si l’ensemble du bâtiment est déplacé.

Un projet muséal trop hâtif

Le pavillon doit être remonté dans une contiguïté avec le bâtiment du Musée Curie, de manière à créer une extension du parcours muséal. Si ce nouvel emplacement (localisé du côté de la rue Pierre-et-Marie-Curie) n’est pas précisé par un plan, l’Institut Curie détaille déjà la programmation des lieux : « Ce nouvel espace culturel rendra hommage aux deux fondateurs de l’Institut Curie que sont Marie Curie et Claudius Regaud grâce à un parcours muséal moderne et à une scénographie innovante tout en y présentant les récentes découvertes en matière de lutte contre le cancer. » Une intention qui ne correspond pas aux besoins des équipes du musée. « On nous offre un espace ouvert au public, mais nous avons plutôt besoin de réserves, font-elles savoir. Il faut qu’on soit impliqué dans la programmation de cet espace. »

À ce besoin de stockage – notamment pour des pièces volumineuses disséminées depuis les travaux de 2012 –, le pavillon des Sources a justement répondu lorsqu’il a fait office de réserve annexe pour le musée pendant deux ans. Alors qu’il est présenté aujourd’hui comme « radioactif et inutilisable » par l’Institut Curie, le pavillon – avant le projet d’un nouveau bâtiment – avait, avec ces réserves, une destination patrimoniale toute trouvée, sans poser de risque sanitaire majeur : « On ne peut pas considérer que pénétrer dans ce bâtiment expose actuellement à un risque pour la santé », note ainsi un membre de l’Autorité de sûreté nucléaire interrogé en janvier dernier par le journal Le Monde.

Un site patrimonial remarquable étendu au Paris historique ?

Classement. Un jardin planté d’arbres, deux pavillons qui se font face et, entre les deux, le petit pavillon des Sources : pour Julien Lacaze, c’est l’ensemble de ce laboratoire-jardin édifié au début du XXe siècle qui revêt une valeur patrimoniale. À l’image d’un autre combat parisien porté par le président de Sites & Monuments, la préservation du monastère de la Visitation, également dans le 5e arrondissement, et de l’atmosphère générale d’un jardin monastique clos. Deux ensembles qu’une protection de dernière minute (comme un classement d’office au titre des monuments historiques) pourrait préserver partiellement, mais de manière insatisfaisante : « Cela reste une solution qui n’en est pas une, il faut protéger la cohérence d’un tout. » L’association entame en ce début d’année un travail sur une extension des périmètres pour les deux sites patrimoniaux remarquables (SPR) existants à Paris, ceux du Marais et du 7e arrondissement. Sites & Monuments aimerait voir cette zone s’étendre à l’ensemble des quartiers historiques de la capitale, une protection qui permettrait une analyse fine des ensembles patrimoniaux. « C’est la seule manière d’éviter des situations comme celle de l’Institut Curie », défend son président.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : Pavillon des Sources : un démontage et des interrogations

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