PARME / ITALIE
À l’issue d’un chantier de six ans, l’un des plus anciens musées italiens, qui a servi de modèle aux musées modernes, a été dépoussiéré et réaménagé.
Parme (Italie). Le complexe monumental de la Pilotta à Parme a retrouvé toute sa splendeur. Le constat est unanime à l’issue d’un grand chantier qui aura duré six ans, pour un coût total de 22,4 millions d’euros. « Il s’inscrit dans une gestion la plus vertueuse possible », revendique le directeur du musée, Simone Verde, en poste depuis 2017 et dont le mandat arrive à échéance. « La valorisation du patrimoine soutient sa préservation conformément aux indications programmatiques établies par le ministère de la Culture. » Il remettra à son successeur bientôt désigné les clefs d’une Pilotta fastueusement modernisée après des décennies d’abandon. Elle était pourtant l’un des plus prestigieux musées non seulement de la Péninsule mais aussi d’Europe, et a inspiré la naissance des musées modernes.
Le complexe monumental de la Pilotta réunit trois institutions : une Galerie nationale des beaux-arts, un musée archéologique et la bibliothèque Palatine, qui compte environ un million d’ouvrages. On trouve en son sein le théâtre Farnèse (le premier théâtre moderne d’Europe, qui a servi de modèle aux théâtres italiens) édifié en 1618. Dans les années 1960, le Musée Bodoni a été ouvert pour exposer les collections du célèbre typographe, qui avait son atelier au sein de la Pilotta. Mais son histoire commence quatre siècles plus tôt, vers 1580, lorsque la puissante famille Farnèse souhaite un écrin digne de ses collections. Les musées du Vatican et la Galerie des Offices de Florence lui serviront d’exemple.
Dans le sillage de la réforme Franceschini octroyant, en 2014, une plus large autonomie aux plus importantes institutions culturelles italiennes, arrive à la tête de la Pilotta Simone Verde. Ce Romain diplômé de l’École du Louvre et doctorant en anthropologie des biens culturels à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) à Paris a aussi travaillé au Louvre Abu Dhabi. Il se lance immédiatement dans un vaste chantier de rénovation et de modernisation des bâtiments, alors dans un état de délabrement avancé. Il mène de pair un réaménagement des salles et d’importantes restaurations des œuvres au service d’une reconstitution historique des collections. Celles-ci se déploient de l’archéologie à l’art moderne, avec un très riche cabinet de dessins et d’estampes, mais surtout des chefs-d’œuvre de Parmigianino, le Corrège, Antonio Canova, Léonard de Vinci, José de Ribera, Antoon Van Dyck ou encore Élisabeth Vigée Le Brun.
« La situation apparaissait extrêmement problématique, se souvient Simone Verde, et j’ai dû agir rapidement avec des chantiers ciblés. Ils ont été financés grâce aux recettes de la billetterie, mais aussi avec les 2 millions d’euros de l’initiative “Parme, capitale italienne de la culture”. Le mécénat privé n’est pas négligeable, surtout dans un pays comme l’Italie, avec 1,5 million d’euros récoltés auprès de fondations, de grandes entreprises, mais aussi de nombreux particuliers dont la générosité a permis de redonner toute sa grandeur à la Pilotta. »
Près de 30 000 mètres carrés ont été réaménagés au sein du musée, une quinzaine de salles ont été inaugurées et la superficie d’exposition a été augmentée de 30 %. Le tout sous le signe d’une attention stricte portée à l’économie d’énergie. Les dispositifs de chauffage et de refroidissement du musée ont été revus, des filtres ont été installés sur les vitres, les sources lumineuses halogènes ont été remplacées par des LED et l’isolation des toitures a été améliorée. À cela s’ajoute la numérisation de l’intégralité du catalogue de peintures et la restauration de 62 œuvres, 102 cadres, 185 manuscrits et livres de la bibliothèque Palatine, mais aussi 550 vestiges archéologiques.
« Le problème est qu’en Italie les musées ont été conçus à l’origine comme des entrepôts des surintendances des biens culturels, où le public venait s’incliner devant l’activité scientifique de la bureaucratie d’État, explique Simone Verde. Les musées sont le lieu où le fruit de la recherche est restitué au public. Mais il ne faut pas négliger sa valeur sociale, qui passe par les parcours d’exposition dont la signification est tout sauf accessoire. » Pour s’adresser au plus grand nombre, Simone Verde prône le recours à l’histoire globale ou encore à l’anthropologie, lesquelles ont pris, ces dernières années, une place croissante dans la recherche en histoire de l’art. Il veut se défaire d’une vision héritée des XVIIIe et XIXe siècles pour s’intéresser au regard d’un public de plus en plus international.
Le nombre de visiteurs de la Pilotta n’a cessé de croître depuis 2017, passant de 120 000 environ à plus de 170 000 cette année, faisant augmenter d’autant les recettes de billetterie. De quoi susciter les éloges du ministre de la Culture, Gennaro Sangiuliano, lors de l’inauguration de la nouvelle Pilotta : « S’il fallait la preuve de la nécessité de l’autonomie des musées, c’est sans aucun doute l’une des plus limpides et lumineuses. »
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À Parme, le palais de la Pilotta retrouve son lustre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : À Parme, le palais de la Pilotta retrouve son lustre