Nadine Gomez-Passamar, conservateur du Musée Gassendi, à Digne-les-Bains, (Alpes de Haute-Provence) présente : Coll. Index. Digne (2002) de Mark Dion, une œuvre acquise récemment.
La fascination de Mark Dion pour l’origine des musées et pour les muséums d’histoire naturelle date de ses premiers séjours en Europe, dans les années 1990. Dans les musées, cet artiste américain s’intéresse particulièrement au modèle culturel imposé par la muséographie des collections. Certaines de ses œuvres, les cabinets, constituent un paradigme de sa pratique lui permettant de « traiter des systèmes de classification, de la distinction ou de la confusion entre nature et culture, entre art et sciences (1) ».
La nature particulière du Musée Gassendi à Digne-les-Bains, musée mixte où se côtoient les beaux-arts et les collections scientifiques, rendait pertinente l’invitation de Mark Dion pour une résidence à Digne. Nous lui avons fourni l’occasion d’utiliser des spécimens historiques, qui n’ont pas de valeur scientifique, dans le cadre d’une installation contemporaine. L’artiste s’est également intéressé au territoire naturel où se situe la ville de Digne, un vaste terrain géologique protégé par une réserve. De ce séjour dignois sont nées plusieurs œuvres dont Coll. Index. Digne, qui fait aujourd’hui partie des collections permanentes (2). Pour la réaliser, l’artiste s’est fixé comme contrainte de ne travailler qu’avec des éléments trouvés dans les réserves du musée.
Coll. Index. Digne est maintenant présentée dans le musée Gassendi. Il s’agit d’une vitrine ancienne de grandes dimensions dans laquelle des centaines d’objets paraissent plus entassés que rangés. Animaux naturalisés, livres, cailloux, boîtes de rangement, objets religieux, plantes séchées, fossiles, vieux outils, bibelots, etc., rien ne manque à ce bric-à-brac de collections. Une observation plus minutieuse permet de détailler un mélange d’objets rares et banals. Parfois même, dans certains cabinets, des jouets en plastique qui ont connu un immense succès commercial occupent une étagère du cabinet.
D’une manière facétieuse, l’artiste aime dire que, en tant qu’Américain, il apprécie le mélange du majeur et du mineur. L’examen attentif d’un cabinet de Mark Dion montre qu’il joue avec la hiérarchie des objets et leur classification. Dans cette leçon de choses particulière, les éléments sont organisés d’une manière inattendue et jouent une partition métaphorique. Ainsi, bien qu’ils appartiennent à des ordres différents dans la classification du monde naturel, les papillons et les oiseaux sont réunis, partageant la légèreté. Ironiquement, la place de l’homme toujours sommitale prend la forme d’une vanité.
Pour cet artiste, le cabinet devient le microcosme du musée, lui-même représentation miniature du monde avec l’ineptie que cela implique. Cette réflexion sur le musée au cœur même de l’institution, rejoint d’autres œuvres contemporaines conçues avec les mêmes exigences (Hubert Duprat, Bertrand Gadenne, Andy Goldsworthy, herman de vries…) et participe à la construction d’une collection contemporaine, véritable pont entre art et science, entre les collections permanentes et l’art actuel.
Les artistes qui viennent à Digne sont également invités à penser des œuvres qui trouveront leur place à l’extérieur du musée, dans la nature, établissant ainsi un lien entre le musée et son territoire.
(1) In L’Ichthyosaure, la pie et autres merveilles du monde naturel, éd. Images en manœuvres, Marseille, 2003.
(2) Œuvre acquise en 2002 par la Ville de Digne-les-Bains avec l’aide du Fonds régional d’acquisition pour les musées.
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Nadine Gomez-Passamar
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°188 du 5 mars 2004, avec le titre suivant : Nadine Gomez-Passamar