BUCAREST / ROUMANIE
Bucarest - L’histoire regorge de fantômes. Le nouveau Musée d’art récent planté dans le quartier de Primaverii, à Bucarest, en est un.
Construit à l’emplacement de l’ancienne demeure-bunker d’Ana Pauker, fervente stalinienne et redoutable ministre des Affaires étrangères de 1947 à 1952, l’édifice, qui a ouvert ses portes le 9 octobre 2018, est l’œuvre de l’architecte libanais Youssef Tohmé, 49 ans. Extérieurement, le bâtiment se compose de deux parties distinctes : un rez-de-chaussée vitré et transparent d’une hauteur de quatre mètres, auquel s’ajoutent trois étages entièrement opaques. Cette seconde partie, tout habillée de briques sombres de Belgique, reprend l’exact gabarit du manoir Pauker, y compris le dessin des ouvertures. C’est comme si une main géante et invisible avait décollé du sol l’ancienne résidence de cette dignitaire communiste pour la maintenir en lévitation. « Ce musée est comme un fantôme qui reprend la silhouette du bâtiment originel des années 1930, indique Youssef Tohmé. Cette “surélévation” imaginaire est aussi une métaphore : j’exhibe leur passé aux Roumains. Au lieu d’essayer de fuir, à chaque fois, les fantômes de l’histoire, je leur propose de faire avec ! »
L’entrée s’effectue par un angle de la parcelle. Le rez-de-chaussée héberge l’accueil, la billetterie, une cafétéria, ainsi que les premières œuvres d’art. Le sol arbore un granit mat du Zimbabwe, couleur anthracite. Un ascenseur et deux escaliers distincts mènent aux niveaux supérieurs. Les premier et deuxième étages sont dévolus à la collection permanente, laquelle se compose de 550 pièces d’artistes exclusivement roumains, datant de 1965 à nos jours, dont un quart environ sont ici exposées. L’ambiance s’éclaircit avec des murs couleur mastic et un sol en dalles de granito blanc de Roumanie. L’espace est, parfois, un brin étriqué, avec des « couloirs » – plutôt que « salles » – d’expositions et des faux plafonds en grilles métalliques posés très bas.
Les façades extérieures des niveaux hauts étant opaques, la lumière naturelle pénètre néanmoins au cœur du bâtiment par le biais d’un vaste puits de lumière central, autour duquel s’agglutinent, par un système de demi-niveaux, quelques microsalles d’expositions temporaires. « Dans un pays qui, jadis, éleva la délation au rang de sport national, j’ai voulu créer des lieux plus intimistes dans lesquels les gens puissent se sentir au calme, sans relation directe avec les autres visiteurs du musée », souligne Tohmé.
Au troisième et dernier étage, on trouve, entre autres, un salon de lecture et une petite terrasse avec vue sur le splendide parc Herastrau, le plus vaste de la capitale. Au sous-sol, se déploient un nouvel espace d’expositions temporaires et un auditorium de 40 places. Surface totale : 1 200 m2. Coût des travaux : non divulgué. Tous les « fantômes » ne sont pas bons à exhiber !
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Musée-Fantôme
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Musée-Fantôme