Magali Philippe, conservateur du Musée de Brou à Bourg-en-Bresse (Ain) présente Cinq-Mars rendant son épée à Louis XIII (av. 1837), de Claudius Jacquand (1803-1878), une œuvre acquise récemment.
Le Musée de Brou est devenu depuis l’exposition pionnière de 1971, et la politique d’acquisition qui suivit, une référence pour la peinture « troubadour ». Ce « badinage du genre héroïque », selon le mot de Denon, est identifié par une touche sage et par une mise en scène anecdotique du passé.
Le raccrochage des collections permanentes du Musée de Brou consacrées à ce style est l’occasion de redécouvrir certaines œuvres sous l’axe « Histoire et histoires », proposé cette année pour le Printemps des musées. La dernière acquisition « troubadour » du Musée de Brou, réalisée en 2001, illustre bien cette relecture de l’Histoire de France à l’époque romantique : il s’agit de Cinq-Mars rendant son épée à Louis XIII, de Claudius Jacquand. L’histoire de Cinq-Mars inspira en effet le premier roman historique français, publié par Alfred de Vigny en 1826. Ce roman, exaltation de l’amour et de la noblesse, relate le complot avorté contre le cardinal de Richelieu en 1642. Mené par Gaston d’Orléans et Anne d’Autriche, celui-ci consistait en un traité avec l’ennemi, Philippe IV d’Espagne. Cinq-Mars, fils du maréchal d’Effiat et favori de Louis XIII, plein de rancune envers Richelieu qui l’avait empêché d’épouser Marie de Gonzague, participa à ce complot. Anne d’Autriche, Gaston d’Orléans et le duc de Bouillon nièrent tout lien avec ce traité : seuls Henri de Cinq-Mars et François de Thou furent donc exécutés.
Le tableau du Musée de Brou fut diffusé au XIXe siècle par la lithographie de Rollet. Une autre version, signée et datée 1836, passa en vente en 1999. L’une ou l’autre des versions correspondrait à Cinq-Mars à Perpignan, exposé au Salon de 1837, accompagné d’un extrait du roman : « La conjuration étant découverte, le grand écuyer se fit annoncer chez le roi, qui, dans ce moment, était auprès du cardinal de Richelieu, et avoir brisé son épée, il la lui remit et se constitua prisonnier. » Louis XIII, pendant de Charles X à l’époque, est dépeint par Vigny et Jacquand comme un roi faible, sous la coupe de son ministre. Richelieu, montré en revanche sous un jour favorable dans le roman, est représenté l’air perfide et rusé par Jacquand, tandis que Cinq-mars est « héroïsé », se tenant aussi droit que le cardinal s’affaisse.
Jacquand peignit d’autres tableaux sur le sujet : Le Baiser du départ, aujourd’hui au Musée des beaux-arts de Lyon, où Cinq-Mars fait ses adieux à sa fiancée, ainsi que deux toiles non localisées, Cinq-Mars et de Thou et Cinq-Mars allant au supplice.
Claude Jacquand, dit « Claudius », fut l’élève de Fleury Richard, chef de file de l’école « troubadour » à Lyon. Le Musée de Brou possède deux autres tableaux de Jacquand : Pour la route de la Saône à la Loire et Vert-vert.
On sent dans Cinq-Mars rendant son épée à Louis XIII le goût de l’artiste pour la peinture hollandaise du XVIIe siècle, dans la composition comme dans la recherche de l’accessoire. L’arrière-plan fait penser à Vélasquez, le peintre même de… Philippe IV d’Espagne.
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Magali Philippe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°190 du 2 avril 2004, avec le titre suivant : Magali Philippe