Le premier musée consacré l’art brut depuis la fermeture du Musée de Zwolle a vu le jour aux Pays-Bas. L’Outsider Art museum d’Amsterdam a pris ses quartiers à l’Hermitage Amsterdam pour au moins 5 ans.
AMSTERDAM - Posé sur les bords de l’Amstel au cœur de l’Hermitage Amsterdam, l’Outsider Art Museum (OAM) ne pouvait pas rêver d’un plus beau havre pour s’ancrer. L’OAM est, aujourd’hui, le seul musée des Pays-Bas dédié à l’art marginal, autodidacte, indiscipliné, à ces œuvres produites par des créateurs flirtant avec la marginalité. Le seul, car celui de Zwolle (ville située au nord-est d’Amsterdam), qui hébergeait depuis 1994 la collection d’art brut et singulier De Stadshof, a fermé ses portes en 2002.
Lumière tamisée, murs peints de couleurs sombres, éclairages subtils magnifiant les œuvres, circulation fluide et aérée. Dès l’entrée, le visiteur est séduit par la scénographie des espaces d’exposition. Un bon point avant d’amorcer la découverte de la centaine d’œuvres d’art outsider contemporain réparties en deux grandes sections de taille équivalente. L’espace situé à gauche de l’entrée regroupe une sélection d’œuvres puisées dans les collections du Musée Dolhuys. Fondé en 2005 à Haarlem et dédié à la psychiatrie, celui-ci retrace l’histoire du traitement de la folie aux Pays-Bas et s’interroge sur les frontières entre folie et normalité. Le Dolhuys est dirigé par Hans Looijen, qui est aussi le directeur artistique et opérationnel de l’Outsider art museum. Celui-ci a rapporté à Amsterdam les pièces maîtresses de sa collection : les paysages urbains foisonnants de Willem Van Genk (1927-2005), le pape néerlandais de l’art brut, et les figures primitives mystérieuses de l’Iranien Davood Koochaki ( né en 1939). À leurs côtés, on découvre des artistes moins connus – mais qui suscitent un intérêt croissant – comme Jeroen Pomp (né en 1985 au Pays-Bas), dont l’univers rappelle celui du Douanier Rousseau ou Derk Wessels (1972, Pays-bas) proche du vocabulaire CoBrA.
Subtilités de l’art brut japonais
Ce n’est pourtant pas là, parmi les pépites du musée de Haarlem, que l’on découvre les œuvres les plus saisissantes, mais dans l’autre section dédiée à l’art outsider japonais. Des vitrines abritent les céramiques féériques ou monstrueuses de Shinichi Sawada (1982). Ces totems fascinants, hérissés d’une multitude de petites pointes, ont été montrés en 2008 à la Collection de l’art brut (Lausanne), en 2010 à la Halle Saint Pierre et, en 2013 sur la lagune, lors de la 55e édition de la Biennale de Venise. « Shinichi travaille en silence, sans hésitation, en reproduisant toujours les mêmes gestes, lents, délicats et réguliers. Il pratique la céramique dans un atelier à ciel ouvert, perdu au milieu de la montagne », raconte le commissaire de l’exposition. À noter aussi les pots et bouteilles à long col noir et bleu sur fonds gris ou ambré de Takashi Shuji rappelant les méditations franciscaines de Giorgio Morandi, les étranges nus féminins de Nobuji Higa (1978) évoquant Egon Schiele, ou encore les textiles tissés ou brodés de Yumiko Kawai (1979). Admirablement accrochées, ces œuvres sont flanquées d’écrans plasma sur lesquels sont diffusés en boucle des documentaires consacrés à ces artistes.
C’est à Hans Looijen, le commissaire de l’exposition, que l’on doit aussi la scénographie du musée. C’est lui qui s’est rendu au Japon à l’automne 2011 pour visiter des ateliers d’artistes à Tokyo et dans les préfectures de Shiga et de Fukushima. Il en est revenu chargé de quelque 850 pièces dues à une quarantaine d’artistes nippons. Celles-ci ont été exposées, au printemps 2012, au Musée Dolhuys avant de partir en tournée en Europe et de faire étape à la Wellcome Collection de Londres en 2013, et au Musée Gugging, dans les environs de Vienne (Autriche), au premier trimestre 2016.
Le « hic » est que toutes ces pièces venues du pays du Soleil-Levant appartiennent encore aux artistes japonais ou à leurs commissaires. Seront-elles encore là, sur les bords de l’Amstel, dans les prochaines années ? Le directeur, qui s’est fixé pour objectif de renouveler l’accrochage du musée tous les six mois aurait, de toute façon, bon espoir de rapporter d’autres trésors d’un prochain voyage en Chine.
« Nous avons signé un contrat d’une durée de cinq ans avec la direction de l’Hermitage museum. Mais nous espérons poursuivre la collaboration bien au-delà », observe Hans Looijen qui, à défaut d’aides publiques, dispose de l’appui financier de deux structures privées, le Fonds Mondrian et le Prins Bernhard Cultuurfonds.
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L’Hermitage s’ouvre au vent de l’art brut
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Amstel 51/ 1018 DR Amsterdam
(Pays-Bas)
tel. 31 (0)20 530 74 88
Tous les jours 10h-17h
www.hermitage.nl
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°458 du 27 mai 2016, avec le titre suivant : L’Hermitage s’ouvre au vent de l’art brut