L’ouverture du septième musée de la ville de La Haye s’est faite sans grand bruit. Sans discours officiel, ni mondanités d’usage. Pas de commentaire non plus sur l’adéquation ou non aux œuvres d’une éventuelle architecture high-tech. Beaucoup d’habitants de La Haye en ignorent même encore l’existence, bien qu’à leur insu, ils aient déjà pu en être les visiteurs privilégiés.
LA HAYE - À l’instar du Museum in Progress de Vienne, le 7e Musée de La Haye n’est doté ni de cimaises, ni de gardiens. Comme les bernard-l’hermite qui vont loger dans la coquille des autres, il trouve, par nature, son identité en s’appropriant une structure préexistante, et son public potentiel avec.
Les artistes sont ainsi invités à intervenir dans la sphère publique, incluant bien sûr les six musées existants, mais pouvant être élargie aux seules frontières que fixe leur imagination, ou presque. Depuis avril dernier, sept artistes ont commencé à faire vivre cette collection éphémère. Parfois de manière assez attendue, comme Philip Akkerman, qui fait disparaître ses autoportraits au milieu de la "vraie" peinture d’histoire dans plusieurs musées de la ville. Ou Erzsébet Baerveldt, qui adapte sa propre existence à d’autres époques.
Elle a par exemple officiellement changé de prénom, par identification à la comtesse hongroise de la fin du XVIe siècle, Erzébet Bathory, célèbre pour avoir torturé et égorgé des jeunes filles (entre 60 et 600 selon les sources). Elle a fait ici méthodiquement reconstituer une robe de ladite comtesse, présentée devant un tableau la représentant. Liza Post a réalisé, pour chacun des six musées, une photographie qui vient se fondre dans des espaces non dévolus aux œuvres. Pour la très chic cafétéria du Mauristhuis, il s’agit d’un grand tirage évoquant de loin une géométrie matiériste rappelant les Support-Surface, mais qui révèle en fait la prise de vue en plongée d’une main dominant le rayon boucherie d’un supermarché.
Ce type d’interventions, aussi justes soient-elles, rejoint par trop cependant le principe d’"Histoires de musées", la remarquable exposition organisée par Suzanne Pagé en 1989. Elle avait alors demandé aux artistes d’intervenir en écho aux espaces et aux collections du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en offrant une lecture tout à fait nouvelle.
On leur préférera donc le positionnement, plus ouvertement tourné vers le public, de Roy Villevoye, qui colla sur des panneaux électoraux en période de campagne une immense affiche divisée en trois parties : en haut, les couleurs utilisées par les partis politiques, au centre, celles utilisées dans l’imprimerie (magenta, jaune, cyan), enfin, en bas, des images de dos jouant sur différentes couleurs de peau.
Et surtout, l’intervention de Renée Kool, artiste d’Amsterdam, qui a installé sur les rives de l’étang de la Cour un théâtre de marionnettes. Tous les dimanches après-midi, une équipe de professionnels montait des pièces commandées pour l’occasion à différents auteurs, souvent devant un public adulte et hilare.
Les spectacles passaient en effet au crible des thèmes d’actualité, comme le passé collabo de Jan Klaassen, guignol local, outil de la propagande nazie ; s’en suivait une scène de ménage avec sa femme Katrijn, tournée sous forme de reality-show par l’équivalent du Jacques Pradel hollandais, incarné par le diable ; ou encore l’usage du préservatif dans la pièce écrite par l’artiste français Stéphane Calais, L’Esprit de résistance.
Renseignements : Stroom, Postbus 536 - NL-2501 CM Den Haag, Tél. 070 346 92 44
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’esprit d’ouverture
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : L’esprit d’ouverture