Les musées nationaux de Grande-Bretagne viennent de publier leur premier rapport sur les œuvres de leurs collections qui pourraient avoir été pillées par les nazis. Ce document recense 350 objets dont la provenance demeure incertaine pour la période 1933-1945. La quête d’informations continue, mais tout porte à croire que rares sont ceux qui s’avéreront provenir de spoliations.
LONDRES (de notre correspondant) - En juin 1998, la National Museum Directors’ Conference, représentant vingt-six institutions, avait formé un groupe de travail sur la spoliation des œuvres d’art durant la période de l’Holocauste et la Seconde Guerre mondiale. Présidé par Nicholas Serota, directeur de la Tate Gallery, il conseillait à toutes les institutions de réunir des informations concernant les œuvres d’art dont la provenance entre 1933 et 1945 présentait des zones d’ombre. La National Gallery a rendu un rapport préliminaire l’an dernier. Parmi les 130 œuvres de la liste de départ, vingt et une ont depuis été éliminées car leur provenance a pu être établie intégralement (lire le JdA n° 83, 14 mai 1999). Une seule demande de renseignements, qui n’a pas encore abouti à une réclamation officielle, a été faite par une personne qui pourrait revendiquer la propriété de Fleurs dans un vase de Bosschaert.
Dans le sillage de la National Gallery, neuf autres musées nationaux ont livré des informations sur des œuvres de leurs collections dont l’histoire est incertaine pendant la période nazie. La liste comprend 240 œuvres, auxquelles s’ajoutent les 109 recensées lors de la première enquête de la National Gallery. Il est important de rappeler que l’inscription d’une œuvre sur la liste “ne signifie pas qu’elle est suspecte, mais simplement que certaines informations sur sa provenance sont manquantes ou imprécises”. Tous renseignements peuvent être obtenus sur le site Internet www.national museums. org.uk/spoliation.
Selon Nicholas Serota, à l’origine de ce rapport de 200 pages, l’enquête a sensibilisé le personnel des musées à la tragédie de l’Holocauste. “Les personnes qui travaillent dans les musées nationaux se montrent à présent bien plus ouvertes à la discussion qu’elles ne l’auraient été il y a un an ou deux. Cela a été extrêmement profitable pour nous tous”, a-t-il déclaré. Lors d’un discours à l’occasion de la publication du rapport, le 29 février, Lord Janner, président de l’Holocaust Educational Trust, a qualifié les recherches entreprises par les musées anglais “d’épopée” et les a félicités pour “l’exemple qu’ils donnent au monde”. Mais il s’est inquiété que les musées nationaux ne puissent, ou ne veuillent pas, restituer des œuvres pillées en raison d’interdictions de cession. En effet, selon la législation en vigueur, ils ne sont pas autorisés à disposer des objets, sauf s’ils existent plusieurs exemplaires ou s’ils sont en mauvais état de conservation. Pour Lord Janner, il ne faudrait pas que ces restrictions deviennent un obstacle à la restitution d’œuvres d’art pillées durant la période nazie : “Il s’agit de biens volés, et même si des problèmes légaux existent, c’est avant tout une question morale”;
Pour l’instant, seule la Tate Gallery a fait l’objet d’une demande officielle de restitution pour une Vue du Palais de Hampton Court par Griffier, qui a appartenu à un banquier de Düsseldorf exécuté par les nazis en 1937 (lire le JdA n° 87, 27 août 1999). Ce pourrait bien être le premier cas traité par le tout nouveau Spoliation Advisory Panel créé par le gouvernement. Pendant ce temps, les principaux musées privés – les collections de Birmingham et de Bristol ou les musées d’universités comme le Courtauld, l’Ashmolean et le Fitzwilliam – prévoient d’enquêter sur les œuvres dont la provenance reste incertaine pendant la période 1933-1945.
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L’enquête continue
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°103 du 14 avril 2000, avec le titre suivant : L’enquête continue