Patrimoine

Le patrimoine des Haras Nationaux enfin mis en valeur

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2019 - 1143 mots

Neuf des treize Haras nationaux ont été cédés, patrimoine historique compris. Les nouveaux propriétaires développent des activités de tourisme équestre autour de la valorisation du bâti, des attelages hippomobiles et des savoir-faire.

Le Haras National du Pin. © Photo Antoine Bassaler.
© Photo Antoine Bassaler

France. Dans la nuit du 11 au 12 juillet, une partie des écuries du Haras national de Saint-Lô (Manche) partait en fumée, balafrant l’ensemble d’architecture militaire construit à la fin du XIXe siècle et classé monument historique. Le ministre de la Culture, Franck Riester, se rendait sur place une semaine plus tard, afin d’assurer le syndicat mixte propriétaire des lieux de son soutien, à la fois technique et financier. Un signe encourageant pour le patrimoine de tous les Haras nationaux, longtemps géré par des opérateurs n’ayant pas de compétences particulières dans le domaine patrimonial.

La préservation de ce patrimoine est à la charge de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), un établissement public dépendant conjointement du ministère de l’Agriculture et de celui des Sports. L’IFCE est né en 2010 de la fusion des treize haras dépendant encore de l’opérateur public Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation, le fameux Cadre noir de Saumur. Avec cette fusion, l’État souhaitait désengager rapidement les haras de leur mission historique : la reproduction des chevaux.

Un désengagement qui est « dans la logique de l’histoire », selon Franck Barlet, chargé de la valorisation immobilière des sites des Haras nationaux à l’IFCE, mais qui s’est fait de manière abrupte, avec de nombreuses suppressions de postes. Pascal Guimard, directeur du patrimoine à l’IFCE, dénonce un « fonctionnement en silo, d’inspiration libérale, avec un aveuglement complet sur les autres volets de notre action », dont le volet patrimonial.

Huit haras acquis par les collectivités locales

Très rapidement, dans le contrat d’objectifs 2014-2017, il est prévu que l’IFC cède dix sites disséminés dans tout l’Hexagone. Dans un premier temps, il s’agit en effet pour l’IFCE de nouer des partenariats avec les communes abritant les haras, afin que ces dernières assument, à terme, le budget de fonctionnement. Cependant aucun accord n’est trouvé, ce qui conduit à la vente des sites. Aujourd’hui neuf des dix haras mis en vente ont trouvé preneur, et, pour huit d’entre eux, ce sont les collectivités locales qui se sont portées acquéreuses.

Pas de grande braderie donc, mais un processus de vente jalonné de garde-fous : en soignant les relations nouées avec les communes, l’IFCE a suscité un « devoir d’acheter », et, dans tous les contrats de vente, il a inclus une clause dissuadant les acquéreurs de spéculer ultérieurement sur ce patrimoine bâti. Précaution supplémentaire, le ministère de la Culture a inscrit la quasi-intégralité du patrimoine bâti des haras sur la liste des édifices protégés au titre des monuments historiques, ce dès lors que le projet de cession fut acté. Une reconnaissance salutaire pour cet ensemble architectural longtemps négligé, témoignage de l’histoire équestre française.

La longue histoire des Haras nationaux, créés sous l’impulsion de Colbert à la fin du XVIIIe siècle puis développés sous Napoléon et tout au long du XIXe siècle, survit à travers un patrimoine, bâti mais aussi mobilier, qui a longtemps été occulté par les activités agricoles des haras. « L’usage que nous faisions des bâtiments était tourné vers la production, nous ne faisions pas tellement cas des dorures que nous pouvions y trouver », reconnaît Franck Barlet. « On ne portait pas cette problématique… Et on en voit parfois la traduction sur les voitures, sur lesquelles il y a eu des réhabilitations brutales », ajoute Pascal Guimard.

Ces voitures hippomobiles constituent, avec la sellerie, le patrimoine mobilier des haras, que l’IFCE s’efforce aujourd’hui de conserver et de valoriser. Le parc de 320 véhicules est désormais partagé entre les haras cédés aux communes, qui, en accord avec l’IFCE, ont pu conserver les pièces ayant une valeur régionale particulière, et un espace de conservation de 1 000 m², situé près d’Uzès (Gard) et inauguré en 2017. La préservation des savoir-faire immatériels liés à ce patrimoine, comme les compétences de ménage des attelages hippomobiles, ou la confection des harnais, est quant à elle au cœur des préoccupations patrimoniales de l’IFCE, qui compte faire vivre ces pratiques à travers la mise en place de formations.

Se pose aussi la question de la médiation et de la présentation de ce patrimoine au grand public. Dès le début des années 2000, l’activité de reproduction des Haras nationaux décroît, et l’établissement public cherche à diversifier ses activités en s’ouvrant au public. Durant dix ans sont organisées des visites, centrées autour des chevaux et des savoir-faire équestres. Bien que les compétences des haras soient limitées dans ce domaine, l’ouverture au public connaît un franc succès et attire de nombreux curieux. Cette activité cesse au début des années 2010 : « Du moment qu’il n’y avait plus de chevaux, il n’y avait plus de support pour raconter notre histoire », explique Pascal Guimard.

Reconversion réussie

Aujourd’hui, les collectivités locales s’appuient sur cette expérience concluante pour mettre en place des programmes de visites dans les sites cédés par l’IFCE. Un récent article de la revue spécialisée Cheval Pratique distinguait dans ce registre les haras de Tarbes (Hautes-Pyrénées), Cluny (Saône-et-Loire), Saint-Lô ou Hennebont (Morbihan) comme des exemples de reconversion réussie dans le domaine du tourisme équestre : visites guidées ; spectacles et activités autour du cheval ; expositions, notamment du patrimoine hippomobile, ou espaces muséographiques y attirent des dizaines de milliers de visiteurs chaque année. Mais toutes les collectivités n’investissent pas au même rythme, laissant certains sites endormis, voire à l’abandon (Compiègne, Aurillac, Rodez, Annecy).

Une « mission pour la culture équestre »

Bien que n’étant plus propriétaire, l’IFCE reste impliqué dans cette activité touristique, en mettant à disposition ses collections, en coordonnant les haras autour de la marque « Haras nationaux », mais aussi à travers les trois sites qui sont restés dans son giron. Pompadour en Corrèze, Uzès, et Le Pin dans l'Orne (*) [voir ill.] accueillent également des touristes, mais aussi des événements internationaux, sportifs ou patrimoniaux. Le nouveau contrat d’objectifs de l’opérateur public prévoit d’ailleurs, pour la première fois, un volet sur le patrimoine équestre, avec la mise en place d’un comité où siégeront des représentants du ministère de la Culture.

Une collaboration qui n’est pas une première, puisque la Rue de Valois a contribué au classement des Haras nationaux, mais aussi à la préservation et au récolement de leurs archives. Du côté de l’IFCE, on espère que ces contacts se pérenniseront, à travers, pourquoi pas, une tutelle commune du ministère de la Culture et du ministère de l’Agriculture.« Il y a de nombreux leviers d’action avant de penser à une tutelle », objecte Pascal Liévaux, chargé du dossier au ministère. Notamment, le lancement prochain d’une « mission française pour la culture équestre », qui associera la Fédération française d’équitation, l’IFCE et la Rue de Valois.

ERRATUM - 7 octobre 2019

(*) Contrairement à ce que nous avons écrit dans le JdA n°529, le Haras National du Pin se trouve dans l'Orne et non en Seine-et-Marne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°529 du 20 septembre 2019, avec le titre suivant : Le patrimoine des Haras Nationaux enfin mis en valeur

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