Après deux ans de gestion judicieuse, Manuel Borja-Villel, directeur du Musée d’art contemporain de Barcelone (Macba), a présenté la « Colección Nuevas Incorporaciones », le premier accrochage de la collection permanente de l’institution. Celle-ci a bénéficié d’un investissement de 3,3 millions d’euros (plus de 20 millions de francs) versés par des mécènes, la municipalité et la compagnie d’assurances Generalitat, finançant le budget de fonctionnement. La politique d’acquisition menée par l’actuel directeur, conseillé par Maria de Corral, Chris Dercon, Vicente Todoli et Lynn Cook, semble n’avoir pas seulement été judicieuse mais aussi économique. Ainsi, la collection du Macba commence enfin à avoir une identité qui le singularise sur la carte européenne des musées d’art contemporain. Manuel Borja-Villel nous dévoile ici sa politique pour l’institution.
Quelles sont les caractéristiques qui définissent le Macba et sa collection vis-à-vis des autres musées européens ?
Nous avons rejeté les deux extrêmes : d’un côté, la vision excessivement locale et, de l’autre, l’internationalisme qui auraient conduit à une collection d’œuvres mineures de grands artistes. Maintenant, le rapport entre les œuvres espagnoles et étrangères est assimilé. En tout cas, dans ma vision, cette division n’existe pas. Ce que nous voulons, c’est raconter l’histoire de notre point de vue : celui des musées de second rang. La collection est régie par deux caractéristiques de base : l’une temporelle, la contemporanéité, et l’autre géographique, le périphérique. Nous ne pouvons éviter de nous rendre compte de notre situation périphérique et du fait que l’histoire s’écrit toujours d’un point de vue hégémonique. Généralement, les “subalternes” n’ont pas droit à la parole.
Quelles ont été les acquisitions les plus importantes ?
C’est difficile à dire car elles contribuent toutes à former une collection harmonieuse, représentative et justifiée. Je mettrais néanmoins en exergue l’achat de l’œuvre sérielle complète – 26 publications, 21 livres et 4 films – de Marcel Broodthaers, qui devient ainsi une figure clé du musée.
Comment se construit une collection ?
Une collection se construit par des achats, des donations et des dépôts. Les achats nécessitent d’attendre le moment opportun et l’œuvre juste, car il n’y a rien de pire que d’acheter une œuvre mineure, ou étrangère à la politique du musée, uniquement parce qu’il faut posséder une pièce de tel ou tel artiste. On accepte bien sûr les donations, mais elles ne sont pas toujours utiles au déroulement du plan muséologique. Les dépôts sont la base, notamment pour un musée comme le Macba ; nous avons par exemple obtenu la collection de Sandra Alvarez de Toledo, de Paris, et la collection Onnasch, de Berlin. La première, spécialisée dans la photographie des années quatre-vingt, permettra à cette décennie d’être bien mieux représentée. Les œuvres de Craigie Horsfield et de Jeff Wall, qui correspondent à une nouvelle manière de faire de la peinture, le démontrent, tout comme les photographies de John Coplans qui se situent du côté de la sculpture. La collection Onnasch comprend des œuvres fondamentales pour le développement de ma conception, notamment toutes les pièces de Mike Kelley présentées à la Documenta de Jan Hoet, une vidéo-installation de Dan Graham, un Motherwell très singulier de 1953 et une œuvre de Cy Twombly de 1960. Victoria Combalía a laissé en dépôt la très importante pièce Mar de hierba, un objet de 1973 de Fina Miralles, qui complète son œuvre photographique déjà conservée au musée.
Comment s’articule votre projet muséologique ?
Il y a trois rythmes dans la vie du musée : le rythme lent de la collection permanente, le rythme moyen des expositions temporaires et le rythme rapide des projets. Nous organiserons pendant l’année deux ou trois accrochages de la collection, dont le discours permet de mieux articuler les expositions temporaires. Tous les étés, nous présenterons les nouvelles acquisitions. Chaque présentation est une répétition et les adjonctions offrent à chaque fois de nouvelles lectures.
Quels sont les aspects qui restent encore à développer ?
En ce qui concerne la collection, nous avons à peu près résolu la première partie, mais il nous faut intégrer au concept de la seconde des pièces de Gordon Matta-Clark, d’Art & Language, de Hans Haacke – nous avons en ce moment une pièce de 1970 en dépôt –, de Dan Graham et de James Coleman. Il ne faut pas non plus oublier les dernières générations, car travailler avec des jeunes implique de remettre le passé en question. En ce qui concerne la vie du musée, nous attendons que notre site Internet soit développé par une “Web agency” de Barcelone. Nous voulons aussi travailler à intégrer à la dynamique du musée les collectifs artistiques et sociaux qui œuvrent dans la ville.
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Le Macba au grand jour
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°111 du 22 septembre 2000, avec le titre suivant : Le Macba au grand jour