PARIS - Non pas un « extrait » du musée dans quelques répliques en plâtre, mais une véritable exposition à toucher, voilà le trésor que les publics non-voyants viennent chercher dans la Galerie tactile du Louvre, à Paris.
Elle accueille « Enfance », un parcours constitué de dix-huit moulages d’œuvres datées de l’antiquité au XIXe siècle. La commissaire de l’exposition, Geneviève Bresc-Bautier, directrice du département des Sculptures du musée, a choisi une thématique qui se prête mieux qu’aucune autre pour aborder la représentation et son traitement à travers l’histoire de l’art, le référent réel étant à portée de main.
Tout est ici aménagé pour permettre une visite autonome, propice à l’émotion esthétique : le visiteur est guidé par une main courante vers les moulages en plâtre et résine de grande qualité, et les cartels en braille, toujours complétés par un échantillon du matériau de l’œuvre originale. L’exposition esquisse une étude esthétique en trois étapes, évoluant de l’art du portrait à la figure allégorique de l’ange jusqu’aux représentations de l’Enfant divin. À première vue, le parcours est anachronique et prend le problème à l’envers, là où les voyants seraient partis de l’icône qui représente l’enfant sous les traits d’un adulte miniature pour aller vers le réalisme symptomatique, la nouvelle attention portée à la figure enfantine au XVIIe siècle, dont la Fillette aux nattes, dite la boudeuse de Jacques François Joseph Saly (1748) est l’exemple le plus charmant.
Des copies en place des originaux
Ce parti pris muséographique atteste qu’il a été pensé pour une approche de l’œuvre par le toucher, qui accède à l’ensemble par le détail. Ici, le visiteur qui ne sait voir que par les yeux sera moins à même de savourer les subtilités du « drapé au traitement plus schématique, aux plis fins, en contraste avec les boucles généreuses et tourbillonnantes de la chevelure » décrites par l’audioguide au sujet du profil d’enfant réalisé vers 1500 par un élève de Donatello.
Cette contemplation au plus près de l’œuvre, rejouant le rapport charnel du créateur à sa sculpture, amène seulement le regret d’être tenu à distance de l’original, un problème qui demeure en marge des grands progrès techniques en faveur de l’accessibilité des arts visuels au public aveugle. Au Musée du quai Branly, à Paris, l’expérience de l’œuvre originale au bout des doigts est par exemple offerte lors de visites limitées à un petit nombre de visiteurs tactiles. La transgression de l’interdit pose ici la question soulevée par Patrick Ramade, alors conservateur en chef du Musée des beaux-arts de Valenciennes, dans une interview télévisée : la mission de conservation des œuvres par le musée – qui défend d’y toucher – doit-elle dans le cas de ce public minoritaire empêcher sa mission de transmission ?
Galerie Tactile
Musée du Louvre, aile Denon, entresol, place des Pyramides, 75001 Paris, tél. 01 40 20 53 17, www.louvre.fr, tlj sauf mardi 9h-18h, mercredi et vendredi jusqu’à 22h
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L’art à portée de main
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : L’art à portée de main