BESANCON
Fermé pour travaux pendant quatre ans, le Musée des beaux-arts et d’archéologie a rouvert. L’ancienne halle aux blés a été décloisonnée afin de restituer l’esprit de la rénovation des années 1970 et mettre en valeur les collections d’art ancien et moderne.
Besançon. Des hashtags« iambaack » tapissent la ville de Besançon sur fond de corps tatoués : la campagne de communication du Musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon (MBAA) se veut espiègle et provocante, envahissant l’espace urbain de la cité bisontine avec des codes destinés à un public de jeunes adultes. Depuis le 16 novembre, le MBAA a rouvert ses portes après quatre ans de fermeture et trois ans de travaux sous la houlette de l’architecte Adelfo Scaranello (lire JdA n° 501).
Cette campagne #iambaack (jeu de mot entre la traduction de « je suis de retour » et l’acronyme du Musée MBAA), au-delà d’une simple campagne marketing, illustre le travail du musée pour « alléger l’effet de seuil » dès sa réouverture, et en faire « un musée pour tous », selon les mots de son directeur Nicolas Surlapierre.
Avec sa façade classique et ordonnée, témoignage de la puissance de Besançon au XIXe siècle, l’ancienne halle aux blés ne laisse pas deviner le cube labyrinthique en béton brut qu’elle abrite en son sein. Œuvre de Louis Miquel, élève de Le Corbusier, cette rénovation datée de 1970 confère au musée son caractère singulier. Pour inviter le passant à pénétrer dans le bâtiment, l’architecte Adelfo Scaranello, natif de Besançon, a choisi de décaisser les niveaux du rez-de-chaussée, d’agrandir les ouvertures, de décloisonner les volumes qui avaient été peuplés de cimaises au fil des aménagements depuis les années 1970. Retrouvant l’espace ouvert voulu par Miquel, le bâtiment redevient une œuvre en soi : l’exposition inaugurale revient d’ailleurs sur l’histoire de l’édifice et les trajectoires de ses trois architectes. Ainsi, dès l’entrée, le regard est happé par la structure en béton brut derrière un comptoir d’accueil en bronze matifié, pratique et sobre.
La première salle, nommée « Atrium des Donateurs », raconte l’histoire des collections du musée de Besancon avec les portraits des collectionneurs qui les ont enrichies depuis la fin du XVIIe siècle : « Nous ne sommes pas un musée du décret Chaptal », rappelle Yohan Rimaud, conservateur des collections beaux-arts. En 1694, l’Abbé Boisot, héritier de la famille des Granvelle, lègue à la ville sa collection, à condition qu’elle soit montrée au public deux fois par semaine. Cet acte fonde le musée, « cent ans avant la création du Louvre à la Révolution française » rappelle non sans fierté le musée. Suivront, en 1819, la générosité de Pierre-Adrien Pâris, ancien architecte de Louis XVI (183 dessins, 38 peintures, vestiges archéologiques) ; en 1897, le don de 3 000 dessins et 460 tableaux du peintre Jean Gigoux ; et le dépôt, en 1963, de la collection d’Adèle et George Besson (112 peintures, 221 œuvres graphiques). La collection municipale, ainsi constituée, est le reflet des goûts et des passions de collectionneurs, et explique les forces comme les faiblesses du parcours chrono-thématique. Ainsi Jean Gigoux offre au musée cinq Cranach, un ensemble exceptionnel en France. En 2010, le musée a reçu un fonds important des œuvres de Charles Lapique (1898-1988), militant depuis pour la redécouverte de cet artiste complexe et méconnu. On trouve aussi des noyaux de collections d’une grande homogénéité, comme cette section consacrée à Venise au XVIe siècle, portée par L’ivresse de Noé de Bellini, prêtée à la National Gallery de Londres pour l’exposition « Mantegna et Bellini » (lire JdA n° 509) : le musée londonien a prêté en retour une Sainte Famille au berger peinte par un jeune Titien très inspiré par Bellini. La Déploration sur le Christ mort de Bronzino, considérée comme la Joconde du musée bisontin, a reçu un traitement particulier. Présentée dans une alcôve, sur une cimaise cloisonnant l’espace, elle invite à la contemplation au milieu du parcours.
Avec très peu de mises à distance, la muséographie du parcours beaux-arts du musée restitue le sentiment de familiarité vis-à-vis des œuvres. Les espaces décloisonnés offrent des rapprochements étonnants entre antiques et modernes, entre tableaux, scènes et représentations, suivant le « principe du bon voisin » d’Aby Warburg, selon Nicolas Surlapierre, qui cite volontiers l’Atlas Mnémosyne de l’historien d’art. Bien fléché, le parcours invite aussi à se perdre entre les sections, avec la délectation du connaisseur ou l’étonnement du néophyte.
Les sections beaux-arts ne doivent pas faire oublier les sections archéologiques, riches des fouilles régionales : placées au rez-de-chaussée à la vue des passants, mosaïques et statues racontent la préhistoire de la Franche-Comté, la ville latine de Vesontio, les premiers chrétiens de Saint-Vit. Le Taureau d’Avrigney, l’Oenochoé Wilson ou la mosaïque du Triomphe de Neptune sont autant de chefs-d’œuvre dont l’esthétique évidente est appuyée par des textes de salles pédagogiques sans être simplistes.
Le musée réussit à intégrer l’art contemporain – pourtant peu présent dans les collections du musée – dans le parcours, ponctuant sans superficialité le parcours d’œuvres issues du Fonds régional d’art contemporain et de dépôts du Centre national des arts plastiques.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La ville de Besançon retrouve son musée des beaux-arts
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°512 du 30 novembre 2018, avec le titre suivant : Le musée de Besançon joue l’ouverture