ROYAUME-UNI
Un peu à l’étroit après un succès public inattendu, l’antenne de la Tate en Cornouailles inaugure sa nouvelle extension. Une surface doublée, mais discrète, pour accueillir les 250 000 visiteurs annuels.
St Ives. « Nous ouvrons enfin la nouvelle Tate St Ives ! », s’est ostensiblement réjoui son directeur, Mark Osterfield, lors de la présentation en avant-première à la presse, le 11 octobre. Quand on sait les difficultés rencontrées par le musée pour mener à bien ce projet, on comprend aisément son enthousiasme. Il aura en effet fallu pas moins de douze ans pour concrétiser ce chantier. Inaugurée en 1993, pour redynamiser une région en difficulté et rendre hommage aux artistes modernes actifs dans cette charmante station balnéaire des Cornouailles, l’antenne de la Tate a rapidement été victime de son succès. « Les prévisions tablaient sur 70 000 visiteurs, or en quelques années la fréquentation a atteint 250 000 visiteurs annuels », explique avec un large sourire le directeur. « L’objectif était donc d’agrandir les lieux afin de mieux accueillir le public et de lui offrir davantage de contenu : plus d’œuvres, mais aussi des espaces pédagogiques. »
En 2005, Jamie Fobert décroche le concours d’architecte avec le projet d’une extension construite derrière le bâtiment originel. Mais ce projet est vite contesté par les habitants qui lui reprochent de cannibaliser le parking voisin et d’obstruer la vue sur l’océan. La fronde prend de l’ampleur et de longues discussions publiques s’engagent. En 2012, un nouveau concours est lancé et remporté par le même architecte. Tirant les leçons de son précédent échec et des débats, il propose alors une solution ingénieuse : un édifice quasiment invisible depuis l’extérieur, car excavé dans la falaise derrière la Tate. De fait, depuis le front de mer, l’agrandissement est presque indétectable. Il faut prendre de la hauteur pour découvrir le toit de l’extension, transformé en jardin public revêtu de granit et qui se termine par un bâtiment de très faible hauteur. Ce dernier est intelligemment paré de carreaux de céramique recouverts d’une glaçure bleu-vert, dont la teinte évolue au gré des changements de couleur du ciel et de la mer, se fondant ainsi parfaitement dans le décor.
Cette adjonction de 600 mètres carrés permet de doubler la surface du musée et d’y loger, entre autres, une grande salle d’exposition temporaire enterrée, éclairée par six grands puits de lumière, mais aussi des bureaux, ainsi qu’un indispensable monte-charge, lequel faisait auparavant défaut. Outre l’extension, ce chantier, qui a duré quatre ans et coûté 20 millions de livres, comporte également un volet portant sur le bâtiment préexistant. Ses concepteurs Evans & Shalev ont été invités à le rénover et y aménager des nouveaux services, notamment un nouvel accueil et des ateliers.
Ce bâtiment est désormais dévolu à une présentation pérenne centrée sur les artistes modernes actifs à St Ives, ainsi que sur leurs liens intellectuels et humains avec les avant-gardes internationales du XXe siècle. De fait, jusqu’à présent la modeste surface du musée ne permettait pas de traiter cette question de manière permanente. « Lors de l’ouverture, il y a eu une série d’expositions sur les artistes de St Ives, avance la conservatrice Sara Matson. À partir des années 2000, il y a eu un tournant. Avec le succès du lieu et pour fidéliser le public, la Tate a développé une politique d’expositions temporaires plus large, présentant des artistes modernes et contemporains qui n’étaient pas forcément liés à St Ives. Or le site était trop petit pour proposer en même temps des expositions et un parcours permanent sur les artistes ayant travaillé ici. » En outre, entre chaque accrochage le musée était obligé de fermer, ce qui était frustrant pour le public. Les travaux ont donc permis de régler ces deux problèmes, mais aussi d’offrir des espaces plus adaptés à chaque fonction. La grande salle d’exposition temporaire enterrée propose ainsi une vaste surface modulable et une belle hauteur sous plafond, qui lui permet d’accueillir d’importantes expositions d’art contemporain et de placer St Ives sur la carte des villes qui comptent en la matière.
Le premier artiste à inaugurer cette nouvelle politique d’exposition est la sculptrice Rebecca Warren (jusqu’au 7 janvier 2018). L’enfilade de salles à taille humaine du bâtiment historique dégage, en revanche, une atmosphère d’atelier qui sied fort bien aux œuvres de petites et moyennes dimensions du parcours moderne. Porté par une scénographie qui mêle avec finesse peintures, sculptures, objets, assemblages, ou encore archives, ce circuit développe une approche intéressante sur la colonie d’artistes de St Ives. Ses représentants majeurs : Barbara Hepworth, Ben Nicholson, Alfred Wallis, mais aussi Naum Gabo, Patrick Heron et Terry Frost, dialoguent avec des stars internationales comme Mondrian, Picasso ou encore Rothko. Ce parti pris a deux avantages : il permet de montrer de grands noms dans une petite ville, et d’expliquer les échanges et transferts artistiques. Seul bémol, la médiation manque parfois de la clarté qui permettrait aux visiteurs les moins familiers de l’art du XXe siècle de distinguer facilement les œuvres originaires de St Ives des autres.
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La Tate St Ives s’agrandit
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : La Tate St Ives s’agrandit