Aux États-Unis, les procès intentés par des pays étrangers pour la restitution d’objets d’art se multiplient. Au cours de l’année dernière, la presse américaine a suivi de près une demi-douzaine d’actions en justice intentées en vue d’obtenir la restitution de trésors archéologiques illicitement importés dans le pays.
NEW YORK - Du procès Sveso au retour en Turquie du Trésor lydien, ces combats judiciaires soulèvent deux questions : le succès des actions intentées multipliera-t-il le nombre des plaintes déposées par les nations dont le patrimoine archéologique a été exporté ? L’augmentation de ces plaintes encouragera-t-elle musées, collectionneurs et marchands à agir avec plus de circonspection ?
A ces questions, les deux avocats américains qui plaident le plus grand nombre de procès dans ce domaine, Lawrence M. Kaye et Thomas Kline, répondent par l’affirmative. Pourquoi cette soudaine floraison de litiges pour la restitution de biens culturels, habituellement fort rares aux Etats-Unis ? La principale raison tient sans doute à la ténacité récompensée des pays demandeurs : "Les puissances étrangères ont découvert qu’en engageant des poursuites ici, elles pouvaient espérer obtenir la restitution de leurs biens", explique Kaye. "Tout pays hésite à porter plainte devant des juridictions étrangères, craignant de ne pas obtenir un jugement équitable. Or, pendant les années 80 et 90, il est apparu qu’on pouvait obtenir des restitutions devant des tribunaux étrangers, et particulièrement américains."
Une défense farouche des patrimoines
Les pays d’Europe de l’Est sont à l’origine du plus grand nombre de demandes de restitution, souligne Kline : "De plus en plus de nations se préoccupent de ces questions depuis le bouleversement des rapports Est-Ouest. Toutefois, quand on analyse chaque cas en détail, on découvre combien il est difficile et coûteux de l’emporter." Peu de pays font preuve du même acharnement que la Turquie : "Un pays africain hésitera à se lancer dans un procès dont les coûts sont trop lourds pour ses ressources publiques, poursuit Kline. Le coût du seul dépôt de la plainte peut s’élever à 1 500 dollars (7 500 francs), sans parler des honoraires de l’avocat."
Les résultats obtenus par les pays demandeurs ont un autre mérite, celui de décourager le trafic à la base : "Le trafic illicite d’objets d’art pouvait prospérer tant que vendeurs et acheteurs étaient convaincus que le pays d’origine n’engagerait pas de poursuites. Les choses sont en train de changer", souligne ainsi Kaye. Les avocats de la défense renchérissent tout en rappelant que leurs clients n’ont jamais agi à la légère. Gilbert Edelson, qui défendait récemment le marchand d’art Michael Ward dans un procès qui l’opposait au gouvernement grec pour la restitution d’objets mycéniens, souligne que "les marchands d’art sont montrés du doigt. C’est oublier qu’ils font toujours preuve de prudence quand ils achètent. Tout le monde prend des précautions aujourd’hui. Je pense que nous verrons de nombreux cas arriver devant la justice." "Les collectionneurs ne peuvent plus fermer les yeux", remarque Constance Lowenthal, directrice de la International Foundation for Art Research, organisation qui se consacre à la recherche d’objets d’art volés.
Collectionneurs et marchands d’art new-yorkais étudient actuellement un projet de loi de l’État de New York visant à mettre certaines limites aux demandes de restitution de biens culturels. Une loi du même ordre avait failli être adoptée au milieu des années 80, mais le gouvernement fédéral y avait opposé son veto, car il craignait que New York ne devienne une plaque tournante du commerce illicite d’objets d’art.
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La justice américaine défend les pays spoliés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°1 du 1 mars 1994, avec le titre suivant : La justice américaine défend les pays spoliés