La grande muraille s’effritte

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 19 décembre 1997 - 426 mots

Des Chinois financent la restauration de la Grande Muraille, tandis que d’autres la démolissent pour construire un entrepôt de légumes, des logements locatifs, une route… Érigé à partir de 214 av. J.-C. par le premier empereur Qinshihuangdi pour résister aux invasions des “barbares”?, long de 5 000 kilomètres, le mur divise aujourd’hui les défenseurs du patrimoine et les partisans du développement économique.

PÉKIN - L’affaire a fait la "une" du Quotidien de la Jeunesse de Chine : une ouverture de 35 mètres a été percée dans le rempart pour faire passer la rocade de Shen­haiguan, petite cité construite à l’endroit où la Grande Muraille rejoint la mer ; 123 mètres ont été creusés pour agrandir un entrepôt de légumes par une société agricole du Hebei (au nord de Pékin), qui avait déjà détruit 40 mètres en 1995 pour construire des logements locatifs. Selon l’organe des Jeunesses communistes, cette société a versé 30 000 yuans (22 000 francs) aux autorités locales pour obtenir le permis de démolition. Le Conseil d’État (gouvernement) et l’administration chargée du patrimoine culturel doivent théoriquement approuver chaque demande de permis de construire à proximité de la Grande Muraille, mais les collectivités locales, affirmant ignorer la loi, donnent leur feu vert à des démolitions partielles sans les en aviser.

Sous le titre "À qui appartient vraiment la Grande Muraille", le Quotidien de la Jeunesse de Chine a publié de nombreuses lettres de lecteurs approuvant ou désapprouvant ces démolitions. Un habitant de Shanhaiguan défend la trouée routière en expliquant qu’elle a été faite pour rendre service à la population. Un autre lecteur estime que le mur “aurait dû être démoli depuis longtemps, car il est vieux et délabré”, alors que de nouvelles constructions, surtout de logements, permettent de créer des emplois. Mais dans une autre lettre, un “expert” regrette que la plupart des responsables locaux considèrent les monuments anciens comme une charge, même s’ils figurent, à l’instar de la Grande Muraille, sur la liste du Patrimoine mondial dressée par l’Unesco.

Un journaliste de la région raconte qu’il a été "furieux" d’apprendre la destruction du mur. “Les habitants de Pékin ont donné leur argent pour restaurer des sections de la Grande Muraille à Badaling. Détruire la Grande Muraille, c’est comme détruire le cœur du peuple chinois”, accuse-t-il. Badaling, à une soixantaine de kilomètres au nord de Pékin, est la section du mur la plus visitée par les touristes, qui y voient un monument entièrement restauré. Mais le rempart, en fait une juxtaposition de murailles successives, est en ruine sur la plus grande partie de sa longueur…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°50 du 19 décembre 1997, avec le titre suivant : La grande muraille s’effritte

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