Le bâtiment centenaire qui borde Central Park à New York présente son quatrième projet d’extension, trois ans après avoir provoqué une polémique.
New York.« Cette corde, c’est tout un symbole pour les New-Yorkais », s’exalte Heidi Rosenau, directrice de la communication de la Frick Collection. Depuis le premier étage de cette demeure construite en 1914 par le collectionneur Henry Clay Frick sur la Cinquième avenue, elle plonge ses yeux bleus vers le rez-de-chaussée, au pied d’un escalier monumental où s’alanguit un cordon pour barrer le passage.« Le jour où nous retirerons cette corde, ça sera vraiment un événement ! », poursuit cette employée du musée depuis près de vingt ans, tandis que quelques visiteurs, absorbés par les boiseries fleuries du plafond, lui rendent des regards envieux.
L’accès à l’étage de la Frick Collection fait partie de l’ambitieux plan d’expansion du musée new-yorkais, véritable institution des quartiers huppés de l’Est de Central Park et sanctuaire de tableaux de maîtres comme Vermeer, Fragonard, Rembrandt ou encore Renoir. Pour la quatrième fois depuis une dizaine d’années, le musée a dévoilé début avril son intention de s’agrandir avec un budget de 160 millions de dollars, pour la construction seulement. Le but : augmenter de 30 % l’espace d’exposition des œuvres, grâce à l’ouverture au public de l’étage, historiquement composé des appartements privés de la famille Frick et aujourd’hui occupés par des bureaux.
« Les pièces du rez-de-chaussée sont de grandes tailles, alors que l’intimité des chambres du premier étage nous donne la possibilité d’exposer des peintures plus petites et des objets d’art décoratif d’une façon qui les mettra davantage en valeur », explique dans un mail Ian Wardropper, le directeur du Musée, avant de préciser qu’il est « trop tôt pour savoir si le prix des billets sera revu à la hausse ». Dans l’une de ces pièces au parquet luisant, l’actuel bureau du directeur qui fut en d’autres temps la chambre de l’épouse du collectionneur et qui « sera peut-être bientôt une galerie », se réjouit Heidi Roseneau, l’architecte en charge du projet d’expansion Carolyn Straub, manipule minutieusement une maquette des futurs bâtiments.
En plus de rendre l’étage accessible, « l’idée, c’est de construire une sorte de renfoncement sur tout le long de cette façade », indique-t-elle en longeant l’arrête de la bibliothèque, un bâtiment datant de 1935 qui s’élève sur six étages contre la demeure historique. Cet ajout permettrait d’ouvrir un café, un centre pour les groupes scolaires et de relocaliser les laboratoires de conservation du musée et de la bibliothèque. « Nous allons aussi transformer l’espace où se trouve la chambre forte en auditorium », poursuit l’experte, en soulevant d’un bloc le jardin du musée sur la maquette pour dévoiler une salle souterraine.
En plus de ces ajouts, la Frick Collection prévoit d’allouer 30 millions de dollars à l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, à la modernisation des systèmes électriques et mécaniques du musée, et aux rénovations des galeries existantes. « Les verrières de toit datent des années 1940 et c’est, pour être honnête, assez remarquable qu’elles aient tenu jusqu’ici ! », glisse Carolyn Straub.
Le mot d’ordre de ce nouveau projet : « Augmenter et améliorer l’accès à l’institution tout en préservant l’expérience unique et intime que nos visiteurs apprécient tant », résume Ian Wardropper. En clair : rassurer les habitués de la Frick Collection, qui ont massivement milité pour l’annulation du précédent projet d’expansion, présenté en 2014. Ces plans, qui ont mené à la création du groupe contestataire Unite to Save The Frick (littéralement, « Unis pour sauver la Frick ») composé d’architectes, de critiques, d’historiens et autres designers, proposaient de détruire le pavillon d’accueil et le jardin décoratif conçu en 1977 par le paysagiste britannique Russell Page, tous deux logés entre la maison et la bibliothèque et visibles depuis la 70e rue.
Une pétition dénonçant le « projet mal conçu du musée » qui aurait « dénaturé l’intimité qui caractérise l’expérience de la Frick Collection » avait alors récolté plus de 6 160 signatures et conduit à l’abandon de l’extension. « Je pense que nous n’avons pas suffisamment communiqué à l’époque, c’était notre erreur », analyse Heidi Roseneau, qui vient de mettre en ligne un site internet consacré à la présentation des nouveaux plans. « Mais j’étais dans la pièce quand on a décidé d’abandonner ce projet en 2015 et il n’a jamais été question de renoncer à l’extension du musée », assure-t-elle, avant de préciser qu’une quinzaine d’œuvres de l’exposition permanente doit être en général décrochée pour faire de la place aux collections temporaires.
Et Carolyn Straub d’ajouter : « Notre collection a doublé depuis l’ouverture du musée. Les gens oublient parfois que nous sommes une institution de collectionneurs. » Si le musée obtient l’approbation du public et le feu vert des autorités, la construction démarrerait en 2020, pour une réouverture en 2022. Dans un premier temps, la Frick Collection « rencontrera de nombreuses organisations dans les semaines et les mois à venir » pour recueillir leurs avis, avance prudemment Ian Wardropper. « Dans notre projet, Monsieur Frick reconnaîtrait la Frick », conclut Heidi Roseneau, près du jardin de Russell Page.
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La Frick Collection ne renonce pas à ses projets d’agrandissement
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°500 du 27 avril 2018, avec le titre suivant : La Frick Collection ne renonce pas à ses projets d’agrandissement