La Fondation Barnes – riche des 17 millions de dollars supplémentaires amassés à l’occasion de son exposition itinérante, qui a failli inclure une étape à Rome – vient de rouvrir les portes de son bâtiment de Merion, entièrement rénové. Mais ses administrateurs, toujours suspectés d’être plus soucieux de collecter des fonds que de promouvoir l’art, continuent de subir un feu roulant de critiques.
MERION (PENNSYLVANIE) - Les toiles postimpressionnistes et modernes ont retrouvé la disposition particulière adoptée par le Dr. Albert C. Barnes sur les murs de la Fondation de Merion. Le tribunal qui avait autorisé l’exposition itinérante autour du monde, en dépit des interdictions formulées par Barnes, avait également exigé que les Cézanne et les Matisse soient ensuite présentés exactement à leurs emplacements d’origine.
Cependant, le bâtiment rénové par l’architecte Robert Venturi inclut aujourd’hui une vaste boutique de cadeaux. De plus, un projet de parking, dans l’arboretum de la Fondation, est à l’étude : deux ajouts que Barnes n’aurait sûrement pas permis. Lui qui concevait la Fondation comme une alternative démocratique à l’élitisme croissant de nombreuses institutions d’art américaines serait surpris d’apprendre qu’une banque a récemment payé 40 000 dollars (200 000 francs) le privilège d’organiser une réception au sein de la Fondation rénovée. Le testament de Barnes interdit pourtant toute "réception" privée et autres "privilèges" généralement offerts aux plus fortunés.
Interdiction de porter le droit d’entrée à 10 $
Comme on peut le constater, la direction actuelle semble toujours animée de la volonté de mettre à bas la plupart des règles imposées par le fondateur : un tribunal vient d’ailleurs de lui refuser l’autorisation d’ouvrir six jours par semaine et de percevoir 10 dollars (50 francs) de droit d’entrée, un prix élevé pour un musée américain. Mais malgré les dix-sept millions de dollars récoltés lors de la tournée mondiale des "Chefs-d’œuvre de la Fondation Barnes", sans compter la vente de quelque 400 000 catalogues – à peine entamés par les frais d’avocats d’un million de dollars –, Richard Glanton, président de la Fondation, assure qu’il n’est pas question d’organiser une autre tournée.
La réouverture de la Fondation a permis d’apprendre que celle-ci a failli s’arrêter à Rome, au Musée Capitolin. Ainsi que l’ont confié à la presse des responsables italiens courroucés, un Richard Glanton enthousiaste les avait contactés pour leur proposer de faire étape dans le "berceau de la civilisation", selon ses propres termes.
Le musée était tombé d’accord sur le prix à payer (3 millions de dollars), il avait préparé un catalogue et même trouvé un mécène, l’ENI, géant italien de la pétrochimie. Mais à peine le contrat allait-il être signé que Richard Glanton, dans un brusque revirement, a préféré conclure avec la Haus der Kunst de Munich, pour seulement 2,25 millions de dollars. Le président de la Fondation a déclaré d’une manière confuse qu’il aurait mal compris les termes de la négociation, et a finalement lancé à ses homologues romains sidérés : "Je ne vous ai jamais promis la lune, et vous pouvez me citer !"
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La collection Barnes réintègre ses murs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°21 du 1 janvier 1996, avec le titre suivant : La collection Barnes réintègre ses murs