De nouvelles mesures visant à contrôler l’importation et l’exportation d’œuvres d’art en Chine sont entrées en vigueur cet été. Les autorités du pays sont particulièrement vigilantes quant au contenu politique des œuvres contemporaines et se réservent le droit de leur interdire l’entrée comme la sortie du territoire.
SHANGHAÏ - Les célébrations officielles marquant le 60e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine en octobre ont beau avoir été marquées par les défilés, les spectacles, et la promesse faite par le pouvoir d’une plus grande ouverture, le ministère chinois de la Culture vient discrètement d’introduire des mesures visant à censurer les œuvres destinées à l’export et à l’import. Selon ces directives datant du mois d’août, les œuvres candidates à l’export doivent être accompagnées d’une description de leur contenu ; si le sujet déplaît au ministère, ce dernier peut en refuser l’exportation. Cette initiative coïncide avec un récent remaniement majeur effectué au sein du ministère chinois de la Culture, ordonnée par son nouveau chef, Cai Wu. Les mesures prises par le ministre, en conjonction avec le Conseil d’État et les douanes chinoises, s’intitulent « Dispositions intérimaires pour la gestion de l’import et de l’export d’œuvres d’art » .
Les onze articles du texte concernent toutes les « œuvres d’importance créative et esthétique… [parmi lesquelles] les tableaux, la calligraphie, la sculpture, la photographie, les installations et autres travaux ». Au sujet des œuvres importées en Chine, « aucun groupe ni individu n’a le droit de vendre, exposer, présenter ou céder des œuvres d’art importées sans approbation ». Concernant les expositions d’art étranger en Chine, une liste exhaustive de documents doit être soumise au minimum quarante-cinq jours avant l’importation, tandis que la procédure d’approbation pour les œuvres d’art chinoises à l’exportation nécessite quinze jours. Si l’intitulé de ces mesures suggère un caractère provisoire, tendant à signifier qu’elles sont toujours à l’étude, les galeries installées en Chine craignent que ces nouvelles dispositions soient mises en œuvre durablement. Une réglementation qui, si elle concerne l’art de toutes les périodes, s’appliquera surtout aux œuvres contemporaines.
Motivation politique
D’après Melanie Ouyang Lum, courtière et consultante basée à Pékin, ce texte serait destiné à « limiter les dégâts. Avant, tout était plus flou, et se passait bien plus sous la table. Mais aujourd’hui le gouvernement rend les choses difficiles. De plus, il essaye de faire en sorte qu’il soit plus ardu pour les galeries étrangères de dominer le marché ». Selon elle, la motivation est principalement politique : « Les censeurs sont obsédés par Mao et la Révolution culturelle ; les sujets comme la nudité ne les dérangent pas du tout. » En octobre, Melanie Ouyang Lum a essayé d’envoyer à Hongkong une photographie signée du duo controversé formé par les frères Gao, mais le cliché a été maintes fois débouté. « C’était une petite photographie, à chaque fois elle nous est revenue ou elle a simplement disparu. Les frères Gao rencontrent constamment ces problèmes. Si les douaniers voient des œuvres ou des catalogues avec l’image de Mao [dans les valises], ils laissent les voyageurs embarquer, mais sans les œuvres. » D’autres galeries et maisons de ventes n’ont pas souhaité faire publiquement de commentaire, mais nombre d’entre elles ont eu des problèmes à la suite de ces nouvelles directives.
Un porte-parole du ministère de la Culture, qui a tenu à garder l’anonymat, nous a confié que cette réglementation sur les exports d’œuvres d’art n’était pas nouvelle mais qu’elle facilitait l’application d’anciennes mesures qui n’avaient pas été convenablement mises à exécution. « L’objectif de ces nouvelles directives est de faciliter les importations et les exportations », ajoute l’officiel. « Les antennes locales du ministère de la Culture doivent désormais mettre en œuvre cette procédure d’approbation aux points d’entrée et de sortie, alors qu’auparavant toutes les autorisations étaient supposées passer par Pékin. Cette procédure d’approbation requiert de soumettre un document décrivant le contenu de l’œuvre et une photographie. Elle n’a rien à voir avec le prix de l’œuvre. »
Gao Brothers - Catching the Prostitute - bronze peint - 182 x 246 x 187 cm © Gao Brothers
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La Chine renforce ses contrôles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°314 du 27 novembre 2009, avec le titre suivant : La Chine renforce ses contrôles