Les Galeries nationales du Grand Palais s’apprêtent à célébrer ses charmes multimillé-naires. Mais Istanbul, autrefois appelée Byzance puis Constantinople, est aussi une ville ancrée dans le présent. Découverte de cette mégapole, entre Orient et Occident.
C'est l’histoire d’une petite bourgade néolithique, perchée sur une colline, surplombant une voie maritime majeure, qui deviendra au fil des siècles une des villes les plus influentes du monde civilisé. Lors du déclin de l’Empire romain, quand Constantin décide de le scinder en deux et de fonder sa propre capitale, ce site défensif naturel est choisi. Alors que Rome n’est pas à l’abri d’assauts barbares, la nouvelle cité de Constantin cherche à contenir l’expansion des Perses et des Goths. Constantinople, qui deviendra dans le courant du ve siècle la cité la plus puissante du monde méditerranéen, surpassant sa vieille rivale italique, voit sa naissance officielle en 330.
Une fois les remparts achevés, éléments clés du dispositif de défense, les grands chantiers se succèdent, tant civils que religieux : la basilique Sainte-Sophie, le palais de l’empereur, l’hippodrome, aqueducs et citernes pour l’approvisionnement en eau d’une population estimée, à l’époque, entre 400 000 et 500 000 individus.
Constantinople est aussi, ne l’oublions pas, une cité portuaire, où transite un trafic maritime important, entre la Grèce, Rome, la Phénicie, la mer Noire et aussi la Chine – première étape occidentale sur la route de la soie.
L’apogée de l’Empire byzantin
Les archéologues ont mis au jour en 2004, lors du percement de la ligne de métro qui rejoint la rive occidentale du Bosphore à la rive orientale, les vestiges du port byzantin de Théodose. Et surtout, fait exceptionnel, trente-quatre bateaux, de commerce et de guerre, ont surgi des sables avec, pour certains, leur cargaison.
Chrétienne dès sa fondation, la ville est dotée de nombreux édifices, symboles forts de la piété de l’empereur et de ses sujets. Il ne reste que quelques exemples de ces églises, dont la plus remarquable est Saint-Sauveur in Chora. Cette église aux dimensions modestes est surtout connue pour ses décors de mosaïques et de fresques parfaitement conservés narrant les vies de la Vierge et du Christ.
Cinq siècles de prospérité ont permis à la ville de se développer. Mais si celle-ci continue de briller au xvie siècle, l’Empire byzantin se réduit alors à Constantinople, Trébizonde, Mistra et quelques îles de la mer Egée. Le pouvoir est affaibli et les alliances avec les autres puissances chrétiennes – Venise en tête – se défont alors que la menace turque se fait plus pressante. Réputée imprenable, ayant résisté aux assauts répétés des musulmans, la ville tombe pourtant en 1453, conquise par Mehmed II dit le Conquérant.
La naissance d’Istanbul
Constantinople n’est plus mais, loin de disparaître dans les limbes de l’histoire, l’Empire ottoman fait d’Istanbul l’une des cités les plus brillantes du monde. La Sublime Porte, nom donné par les Turcs à cet antre du pouvoir, continue de se parer de riches atours, aussi bien religieux, que profanes. Chaque quartier possède sa mosquée, à laquelle sont rattachés hamam, fontaine, écoles, marchés couverts, permettant à celle-ci de s’autofinancer.
Certains de ces équipements sont encore au cœur de la vie sociale des Stambouliotes. Le Grand Bazar n’est pas fréquenté que par les touristes. Les hamams, de moins en moins nombreux, continuent à être utilisés par la population. La cour fait bâtir de somptueuses propriétés le long de la Corne d’Or ou du Bosphore. Cette tradition se perpétuera jusque sous les derniers sultans. C’est évidemment le sultan et la famille régnante, maîtres du territoire, qui développent les projets les plus ambitieux.
Le xixe siècle voit la déliquescence de l’empire, avant son démantèlement après la Première Guerre mondiale et la révolution républicaine conduite par Atatürk.
Paradoxalement, c’est aussi le siècle de la fascination occidentale pour la ville. En art, les orientalistes dépeignent avec délectation des sujets de harem et de vie indolente des sultans et autres pachas. En littérature, Pierre Loti participe activement à cette vision hédoniste et caricaturale d’un monde lointain peuplé de personnages d’opérette. Mais l’ouverture progressive du pays aux nouveaux idéaux, marquée par le déménagement de la cour du palais de Topkapi au palais de Dolmabahçe, voit l’essor d’un style de vie à l’occidentale.
Les rapports commerciaux avec l’Europe s’intensifient. Le nouveau quartier de Pera, qui se développe avec l’arrivée de l’Orient-Express, devient le lieu fréquenté par les Européens. L’architecture y est fortement influencée par le style haussmannien, mais aussi par des réalisations Art déco.
Istanbul conjuguée au présent
Istanbul est aussi, et surtout, une cité moderne. Pour s’en convaincre, il suffit de délaisser le quartier de Sultanahmet, de traverser le pont de Galata, de passer le quartier de Pera pour se retrouver sur Istiklal caddesi, l’artère vivante et commerçante, et terminer sur la place Taksim. La place est le carrefour des nouveaux quartiers à la mode, Cihangir, Curkukuma. Les boutiques de décorateur fleurissent entre les brocanteurs spécialisés dans les objets des années 1960-1970. Quant aux bars et restaurants, ils se livrent un combat acharné pour inviter les architectes stars à réaliser leur aménagement. Et clin d’œil à l’histoire, un site de production artistique pour jeunes artistes contemporains vient d’ouvrir ses portes dans le quartier de Yenikapi, à deux pas du site archéologique du port de Théodose.
Alors, pour ressentir toute la force de ses paradoxes, rien de mieux que de partir à l’assaut de cette beauté aux nombreuses facettes, entre passé brillant et présent trépidant.
Musée des Arts turcs et islamiques
Le musée prend place dans l’ancienne demeure d’Ibrahim Pacha, grand vizir de Soliman le Magnifique, construite au début du xvie siècle aux abords de l’hippodrome byzantin, près de la Mosquée bleue. Toute l’histoire de l’art islamique au Moyen-Orient, des premières dynasties jusqu’à la fin de l’Empire ottoman, est retracée dans un parcours présentant des pièces souvent exceptionnelles, comme sa collection de tapis, ou cette porte de mosquée seldjoukide. La partie ethnographique, quoique vieillotte, mérite malgré tout le détour car elle donne un bon aperçu de la vie quotidienne dans les provinces anatoliennes.
Mosquée bleue
Faisant face à Sainte-Sophie, la Mosquée bleue, ou mosquée du sultan Ahmet, est construite sur les ruines du palais impérial byzantin. Élevée entre 1609 et 1616, d’après les plans de Sedefhar Mehmet Aga, elle se voulait la démonstration du talent des architectes ottomans de l’époque, défiant les réalisations chrétiennes ainsi que celles de Sinan, l’architecte de Soliman le Magnifique. Elle doit son nom à sa décoration intérieure, réalisée en grande partie avec des carreaux de faïence d’Iznik, à motifs floraux et aux tons dominants de turquoise.
Palais de Dolmabahçe
Construit à la fin du XIXe siècle pour répondre aux nouveaux usages de la vie à la cour des sultans, le palais est un bijou de l’architecture baroque réinterprétée à la mode orientale. Les motifs de rocailles s’achèvent sur les entrelacs d’arabesques, et les dorures ont remplacé les pavements de céramique. Un énorme lustre en verre de Murano orne l’escalier d’honneur, tandis que les salles de réception ont conservé leur agencement à l’orientale, avec les sofas, ces longues assises basses. L’ensemble est à visiter pour s’immerger dans la décadence de l’Empire ottoman.
Palais de Topkapi
Évoquer le palais de Topkapi, c’est faire ressurgir les images d’un Orient fantasmé. Et comment peut-il en être autrement lorsque l’on visite ce dédale de salles, cours intérieures et petits pavillons disséminés dans la verdure d’un grand parc dominant la Corne d’Or et l’entrée du Bosphore ? Les richesses s’étalent sous nos yeux, dont cette fabuleuse collection de porcelaines chinoises, présentée dans les anciennes cuisines. L’orfèvrerie et les bijoux, présentés dans la salle du Trésor, nous donnent une idée des fastes de la cour impériale ottomane.
Sainte-Sophie
Ce monument aux formes imposantes est le symbole de la diversité culturelle d’Istanbul. Initialement dédiée au culte chrétien, elle est transformée en mosquée à la chute de Byzance. Dans sa présentation actuelle, la basilique est la troisième édification et fut construite par l’empereur Justinien entre 532 et 535. La légende raconte que Justinien a voulu un bâtiment qui surpasse en majesté le temple de Salomon, à Jérusalem. Et le résultat est impressionnant. Une fois à l’intérieur, le visiteur se retrouve sous une voûte de 56 mètres de hauteur. Tout y était pensé pour marquer la puissance divine, mais aussi celle de l’Empire romain d’Orient. Le marbre de couleur y est omniprésent. De somptueuses mosaïques, toutes à fond d’or, recouvraient les murs. Il n’en reste que quelques-unes, conservées grâce à l’enduit dont les musulmans avaient recouvert les parois pour masquer les personnages, et qui laissent entrevoir la richesse de l’ornementation.
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Istanbul - La sirène du Bosphore
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°616 du 1 septembre 2009, avec le titre suivant : Istanbul - La sirène du Bosphore