PARIS
Le grand projet de restauration du monument est revu à la baisse, mais pas le budget qui reste colossal. Alors que la fréquentation des expositions a chuté dès 2019, la trajectoire financière de l’établissement culturel public apparaît peu assurée.
Paris. Alors que le Grand Palais va bientôt fermer ses portes, le 31 décembre, pour des travaux de rénovation longtemps repoussés, la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (RMN-GP) s’apprête à en financer le coûteux chantier. Si le projet a été revu à la baisse quant à sa dimension architecturale, le budget, lui, n’a pas bougé. Pour contribuer à l’addition colossale de 466 millions d’euros, l’établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) prévoit toujours d’emprunter 150 millions d’euros sur trente ans, entraînant des remboursements de 7 millions d’euros au minimum par an. Une décision prise en 2018 alors que ses activités dégageaient des bénéfices. Mais qui à la lumière de son résultat 2019 semble très ambitieuse.
En 2019, la RMN-GP affiche seulement 200 000 euros de bénéfice contre 5,4 millions d’euros en 2018 et 4,7 millions en 2017, ce pour un chiffre d’affaires (CA, hors subvention et mécénat) de 104,2 millions d’euros. Une baisse due notamment à une augmentation des charges, mais aussi au recul de la fréquentation des expositions, dont les recettes constituent un bon quart du CA. Les expositions du Grand Palais et du Musée du Luxembourg ont accueilli près de 100 000 visiteurs de moins qu’en 2018. Une diminution que les grèves de transport et les mouvements sociaux n’expliquent qu’en partie. La programmation du Grand Palais, trop thématique de son propre aveu, n’a en effet pas su renouveler les bons résultats des années précédentes. On est loin des records de fréquentation du Grand Palais dans les années 2000-2010. Depuis « Niki de Saint Phalle » en 2014, aucune exposition n’a dépassé les 500 000 visiteurs.
Cette décevante performance des expositions contraste avec les autres activités commerciales de la RMN-GP, qui se sont relativement bien tenues en 2019. Les recettes des boutiques, qui constituent plus de la moitié du CA, ont augmenté de 1,5 million d’euros, avec de très bons résultats dans les boutiques du Louvre, d’Orsay ou de Versailles. Les recettes des éditions, des ateliers d’art et de l’agence photographique se sont quant à elles maintenues. L’événementiel, c’est-à-dire la location des espaces du Grand Palais pour les salons et défilés de mode, a cependant perdu 600 000 euros, en raison des travaux anticipés de rénovation du bâtiment qui ont diminué le nombre de jours exploitables.
Pour que le Grand Palais dégage un bénéfice suffisant permettant de rembourser 7 millions d’euros par an, il lui faudrait augmenter de 40 % la location de ses espaces. Un objectif qui semblait encore réaliste il y a deux ans, quand l’établissement rêvait d’une « grande machine à culture », mais qui semble désormais difficile à atteindre. Le décloisonnement de la nef et la mise aux normes devaient permettre un doublement de la fréquentation du Grand Palais avec une jauge portée à 11 000 visiteurs, contre 5 600 actuellement. Entre-temps, le ministère de la Culture a retoqué le projet et le Covid-19 est passé par là. Après révision des aménagements, la jauge ne devrait pas dépasser 9 000 visiteurs.
Et la révision du projet architectural aura d’autres conséquences. L’abandon de la plate-forme logistique en sous-sol se répercutera nécessairement sur les temps de montage et démontage des expositions. Dans son projet culturel pour le Grand Palais, la RMN-GP se dit toujours en mesure d’ouvrir douze mois sur douze et d’offrir jusqu’à quatre expositions différentes à la fois. La galerie des enfants et deux galeries consacrées aux expositions numériques restent d’actualité, s’ajoutant aux deux galeries existantes ainsi qu’aux espaces d’exposition du Palais de la découverte. Au total, ce sont donc six espaces d’exposition « modulables » qu’il faudra exploiter. Sans espace logistique défini. Dans ces conditions, comment le nombre de jours d’ouverture au public pourra-t-il être aussi important que prévu ?
Outre le Grand Palais, la RMN-GP exploite le Musée du Luxembourg et 34 librairies-boutiques, et assure l’accueil du public dans une vingtaine de musées. Au fil des ans, ses missions ont été réorientées tout en s’adaptant à la mutation des musées. Transformée en Epic en 1991, la RMN a traversé un trou d’air dans les années 2000 lorsque les grands musées parisiens ont pris leur autonomie et leurs distances. À la manœuvre à l’époque, Thomas Grenon, son administrateur, avait permis à l’institution de franchir le cap. Il faudra sans nul doute encore plus de volonté et de rigueur à ses successeurs pour gérer l’énorme chantier du Grand Palais et affronter une pandémie qui risque de laisser des traces.
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Grand Palais 2024 : une équation risquée pour la RMN-GP
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°553 du 16 octobre 2020, avec le titre suivant : Grand Palais 2024 : une équation risquée pour la RMN-GP