À Cologne, Gérard Corboud, homme d’affaires suisse à la retraite, vient de prêter de « manière permanente » au musée de la ville quelque deux cents œuvres de sa collection d’art impressionniste et postimpressionniste, en vue d’en faire profiter le plus grand nombre. Ce geste philanthropique s’accompagne d’un nouveau nom pour le musée allemand, désormais appelé « Wallraf-Richartz-Museum – Fondation Corboud ».
COLOGNE - Contrairement à la majorité des collectionneurs suisses, connus pour leur discrétion, Gérard Corboud est délicieusement affable. Âgé de soixante-dix-sept ans, cet énergique homme d’affaires à la retraite s’est constitué une importante collection d’art impressionniste et postimpressionniste. Pour s’assurer que ses tableaux forment toujours un ensemble accessible au public, il vient de les prêter de manière permanente au musée de Cologne, rebaptisé pour l’occasion “Wallraf-Richartz-Museum – Fondation Corboud”.
Gérard Corboud a fait fortune dans le secteur de la sécurité, avec la production d’alarmes ou de serrures – sans conteste un excellent filon pour un collectionneur d’art. Il a commencé à acheter des tableaux postimpressionnistes dans les années 1960, puis s’est mis à collectionner les œuvres de la période allant de la “naissance” de l’impressionnisme jusqu’à la mort de Claude Monet, en 1926. Il a ainsi réuni plus de deux cents tableaux d’artistes majeurs : Bonnard, Boudin, Caillebotte, Cassatt, Cézanne, Courbet, Daubigny, Gauguin, Van Gogh, Manet, Matisse, Monet, Morisot, Munch, Pissarro, Renoir, Seurat, Signac, Sisley, Toulouse-Lautrec et Vuillard. Certes, les rares chefs-d’œuvre sont entourés d’un grand nombre de tableaux de qualité moyenne, mais l’ampleur de la collection est impressionnante. Gérard Corboud y voit une “chronique” complète de l’époque. “J’aurais pu conserver ma collection jusqu’à mon dernier souffle, mais il aurait été trop tard pour agir de manière appropriée, nous a-t-il confié. Mes enfants et petits-enfants n’auraient pas forcément voulu garder l’ensemble, qui aurait probablement été dispersé. Céder mes tableaux fut difficile, mais je devais leur trouver un nid, un endroit où ils seraient en sécurité et où l’on prendrait soin d’eux.”
Pendant les années 1990, le collectionneur avait entrepris des négociations en Suisse avec la Ville de Montreux, proche de son domicile situé aux abords du lac Léman. Devant l’estimation des dépenses occasionnées, la municipalité a décliné l’offre de créer un “Musée Corboud”. L’alternative était de transformer la villa du collectionneur en musée, mais cette solution ne semblait pas viable sur le long terme. Gérard Corboud a finalement décidé de confier sa collection à Cologne, ville où il a travaillé et rencontré son épouse, Marisol. La Fondation Corboud a ensuite été créée au Liechtenstein, et, selon un accord signé il y a deux ans, 170 tableaux ont été légués en “prêt perpétuel” au Wallraf-Richartz-Museum – qui porte les noms de Ferdinand Wallraf, le donateur des premiers tableaux en 1824, et de Ferdinand Richartz, qui créa en 1861 le premier bâtiment spécifiquement dédié à la collection. La donation de Gérard Corboud est estimée 300 millions d’euros, sans compter son don de 15 millions d’euros à la fondation au profit de futures acquisitions.
La principale condition imposée par Gérard Corboud est que le musée de Cologne porte son nom. Inflexible, il a d’ailleurs déclaré que si son nom disparaissait, les tableaux iraient rejoindre sa ville natale, Fribourg, en Suisse. Le musée, désormais rebaptisé, a cédé à ses exigences : “Les artistes et les écrivains laissent un héritage. J’ai été un homme d’affaires, c’est ainsi que je laisse une trace”, nous a déclaré le collectionneur.
Les tableaux sont accrochés dans les nouvelles salles du musée de Cologne. La ville fait néanmoins voyager les œuvres, et 110 peintures sont actuellement exposées à la Kunsthal Rotterdam, à l’occasion d’“Impressionnisme : le miracle de la couleur”, visible jusqu’au 25 mai. Un autre groupe de 80 peintures est récemment rentré du Japon. De prochaines expositions sont en pourparlers avec deux musées américains, en Géorgie et dans l’Oregon. Paris pourrait également présenter la collection dans un avenir proche.
Aujourd’hui, Gérard Corboud continue à s’adonner à son passe-temps favori : il a déjà réuni près de 50 tableaux dans sa résidence proche du lac Léman. Ils iront rejoindre Cologne après sa mort et celle de son épouse.
Martinstrasse 39, Cologne, tél. 49 221 221 211 19, tlj sauf lundi, mercredi et vendredi 10h-18h, jeudi 10h-20h, samedi et dimanche 11h-18h.
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Gérard Corboud, un don pour l’éternité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°171 du 16 mai 2003, avec le titre suivant : Gérard Corboud, un don pour l’éternité