Le World Monuments Fund (WMF) est une organisation américaine indépendante dédiée à la sauvegarde du patrimoine dans le monde entier. Son président pour l’Europe nous présente son action.
Fabien Simode : Qu’est-ce que le WMF ?
Bertrand du Vignaud : Le World Monuments Fund est une organisation à but non lucratif – une Non Profit Organization – de droit américain créée en 1965 pour restaurer la ville de Venise. Elle s’est d’abord appelée « Save Venice » [sauver Venise] avant de décider, dans les années 1980, d’étendre son action au monde entier et de prendre le nom de World Monuments Fund.
Dans les années 1990, le WMF américain a choisi de créer des associations de droit national pour la représenter dans différents pays, dont la France où fut ouverte la première structure. Mais devant la gestion difficile due à la multiplication de ces associations, le WMF a finalement décidé de former pour l’Europe, en 2003, une organisation continentale, le World Monument Fund Europe, dont je suis le président et dont le siège est situé à Paris.
Aujourd’hui, le WMF travaille dans cent dix pays dans le monde. Il s’agit de la plus grande organisation internationale privée pour la restauration du patrimoine. Les gens nous confondent souvent avec l’Unesco, avec qui nous avons de bonnes relations, mais qui est une administration. En cela, nous sommes l’anti-Unesco.
F.S. : Quelle est votre action ?
B. du V. : Le WMF engage des fonds, en partenariat avec des fonds privés ou publics sur le système du Matching Funds, avec lesquels il restaure des monuments exclusivements publics, c’est-à-dire appartenant à des gouvernements, des collectivités locales ou des entités de droit moral publique (des églises, des abbayes, des synagogues, etc.), et jamais de monuments privés qui appartiennent à des entreprises ou à des particuliers. À ce jour, nous avons restauré plus de six cents monuments d’exception dans le monde.
F.S. : Quelles sont les conditions requises pour que le WMF intervienne ?
B. du V. : Il faut d’abord que ledit monument public soit ouvert au public. L’autre critère que nous prenons en compte, et qui est assez proche de la loi française, est que le bâtiment doit être d’une grande qualité architecturale, historique ou artistique, qu’il soit célèbre ou totalement inconnu.
F.S. : Le WMF est-il suffisamment identifié par le grand public ?
B. du V. : Nous n’avons pas vocation à être connu du public. En revanche, nous avons à l’être auprès du plus grand nombre de mécènes possible : les donateurs privés ou les gouvernements, etc. Qui font malheureusement parfois tout, et je le regrette, pour cacher l’intervention du World Monuments Fund…
F.S. : Quels monuments restaurez-vous ?
B. du V. : En France, nous avons permis la restauration du Petit Trianon de Versailles. Aujourd’hui, nous avons lancé les chantiers, après avoir réuni des comités de spécialistes internationaux, pour la restauration du chœur de la cathédrale d’Albi, du cloître de Saint-Trophime en Arles et des décors de l’ancienne Chancellerie d’Orléans à Paris, détruite après avoir été déclassée dans les années 1920. Ces décors, nous les avons retrouvés et nous allons les remonter aux Archives nationales, un bâtiment contemporain de la Chancellerie et dont les salons présentent les mêmes dimensions et les mêmes orientations. En Italie, nous restaurons autrement la galerie des Carrache, chef-d’œuvre du Palais Farnèse, siège de l’ambassade française à Rome.
Sous-directeur de la Caisse nationale des monuments historiques de 1988 à 1991, puis président de Christie’s Monaco et vice-président de Christie’s France, Bertrand du Vignaud préside la division française du World Monuments Fund depuis 1996.
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Entretien - Bertrand du Vignaud
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Abonnez-vous dès 1 €MATCHING FUNDS C’est le mode de financement sur lequel repose l’action du WMF. Autrement dit, l’organisation apporte des fonds à condition qu’ils soient complétés par des fonds au minimum équivalents. Ceci afin d’encourager les donations.
20 MILLIONS C’est, en dollars, le budget annuel du World Monuments Fund pour le monde. Avec le système de Matching Funds, les sommes engagées dans les restaurations s’élèvent à 50 millions par an.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°654 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Entretien - Bertrand du Vignaud