ANNAY-SOUS-LENS
Alors que l’inscription à l’Unesco du bassin minier Nord-Pas-de-Calais fête ses dix ans en 2022, une dizaine de constructions d’après-guerre demeurent à l’abandon. Parmi eux, le Camus haut d’Annay, dernier exemple de logement minier de l’époque.
Annay-sous-Lens (Pas-de-Calais). Le Camus haut d’Annay n’est pas le plus impressionnant des cent neuf éléments inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, mais il est le dernier chapitre de la longue histoire du logement minier. Il reste peu de traces de ce type de construction préfabriquée, qui aurait représenté 7 000 logements bâtis entre 1953 et 1963. Tandis qu’à Douai, c’est un habitant qui tente de sauver les quatre derniers Camus hauts d’une cité vouée à la destruction, à Annay, le dernier Camus de la cité du Maréchal-Leclerc pourrait également disparaître, malgré l’inscription du site à l’Unesco.
Constitué au départ de 440 logements, l’ensemble d’Annay comptait encore au début des années 2010 une dizaine de Camus hauts vétustes, peu à peu détruits pour être remplacés par des lotissements modernes. Dans la perspective de la candidature au patrimoine mondial de l’Unesco – inscription validée en 2012 –, une unité a été préservée à titre d’exemple : la Mission bassin minier (MBM) – l’organisme qui accompagne la restructuration post-industrielle de la région et qui portait le dossier à l’Unesco – envisageait alors de transformer ce dernier Camus en un gîte et un logement témoin. « En 2008, on défendait l’idée que le logement était la colonne vertébrale du paysage du bassin minier, rappelle Raphaël Alessandri, architecte directeur d’études à la MBM. La maire d’Annay, soutenue par une association d’histoire locale, nous avait alors demandé de préserver un Camus. »
Sauvé, le Camus d’Annay reste toutefois désaffecté. L’architecte urbaniste se désole de voir les projets abandonnés les uns après les autres : « S’il venait à disparaître, ce serait une perte importante, c’est un “unicum”, alerte-t-il. Sans lui, c’est comme si l’histoire du logement s’arrêtait dans les années 1930. On perdrait la trace de cette période de la seconde reconstruction. » Associé volontiers à l’image d’Épinal du coron, ou de la cité-jardin en brique rouge, le logement minier prend une tout autre forme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que les grandes exploitations minières du Nord sont nationalisées.
Pour pallier le manque de logements ouvrier, les houillères du Nord se tournent dès 1952 vers le procédé de préfabrication inventé par l’ingénieur Raymond Camus, testé en 1951 pour un parc de logements militaires de l’Otan à Saint-Germain-en-Laye. Le « procédé Camus » consiste en l’assemblage de plaques de béton fabriquées en usine, dans lesquelles une partie du second œuvre (tuyauterie, menuiserie) est intégrée. Une formule qui répond aux besoins de rapidité et d’économie dans la création de logements, et qui se déclinera dans le bassin minier sous deux formes, adaptant les avantages de la préfabrication au modèle du logement minier : le Camus bas, logement individuel d’un niveau, et le Camus haut, qui rassemble six logements sur trois niveaux.
Soixante ans plus tard, le dernier Camus haut d’Annay subsiste comme une ruine au milieu de lotissements neufs, au grand désespoir du maire Yves Terlat (PCF). « L’image du patrimoine de l’Unesco en prend un coup », souffle l’édile, qui a hérité du bien préservé sous le mandat de sa prédécesseure. « Mon sentiment est qu’on a fait le tour d’une carence de projets et de maîtres d’ouvrage », estime le maire. Local associatif, équipement culturel, les idées se sont succédé sans trouver de financement, ni de porteur de projet.
Toujours propriété du bailleur social Maisons et cités, le Camus a été l’objet d’une étude de réhabilitation du logement en 2019. « Un bon projet, avec une extension, des logements traversant et lumineux, se souvient Raphaël Alessandri. Ça n’a pas pu aboutir parce que les acteurs, notamment le bailleur, ont considéré que le projet n’était pas viable. » Pour Jean-François Campion, directeur de Maison et cités, sans engagement financier ferme, la réhabilitation est inenvisageable : « Voilà douze ans qu’on travaille dessus et il n’y a jamais eu aucun plan de financement. La position de Maisons et cités a toujours été la même : ce n’est pas viable économiquement. » Et le directeur d’évaluer les coûts : 220 000 euros pour la réhabilitation d’un logement dans le Camus, contre 160 000 euros pour du neuf. « Il n’est pas raisonnable de mettre de l’argent public là-dedans », tranche-t-il.
Sans solution, le bailleur envisage une destruction du bien inscrit à l’Unesco. « S’il n’y a pas de maître d’ouvrage, la décision la plus raisonnable serait d’étudier le déclassement, admet également le maire d’Annay. Je regretterai de prendre cette décision, mais s’il le faut je prendrai mes responsabilités. » L’édile veut avant tout éviter que le bâtiment soit frappé par un arrêté de péril. Du côté de la MBM, on reste déterminé à sauver le Camus haut. L’organisme commence d’ailleurs à trouver des porteurs de projets pour la dizaine de sites en danger dans le périmètre classé à l’Unesco, comme la salle des pendus de Loos-en-Gohelle, ou le chevalement d’Anhiers. « Il faut se souvenir que la cité des électriciens devait être démolie, l’hôtel 4 étoiles à la sortie du Louvre-Lens aussi, rappelle Raphaël Alessandri. Aujourd’hui, on trouverait cela aberrant ! Les boulets d’aujourd’hui, ce sont les pépites de demain... »
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Dans le bassin minier, que faire du Camus Haut d’Annay ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°580 du 7 janvier 2022, avec le titre suivant : Dans le bassin minier, que faire du Camus Haut d’Annay ?