Malgré l’adoption d’un modèle original, censé préserver le secteur d’une tutelle étatique, la politique culturelle britannique souffre d’un manque de moyens et de l’ombre d’un sponsoring débridé.
Embedded (embarqué) dans les jeux Olympiques. En Grande-Bretagne, la culture a inévitablement partie liée avec l’aventure olympique dans laquelle le pays s’est engagé en 2005. Elles partagent en effet un même ministère de tutelle, placé sous la houlette du secrétaire d’État à la Culture, aux jeux Olympiques, aux Médias et au Sport, Jeremy Hunt, assisté d’un ministre de la Culture et des Médias, Ed Vaizey. Londres ne connaît effectivement guère d’équivalent de la Rue de Valois française. Ici, c’est le DCMS (Department for Culture, Media and Sport) qui préside aux destinées de la culture, dans un esprit sensiblement différent de celui de la politique culturelle hexagonale.
L’Arts Council England
À l’opposé d’un ministère de la Culture français encore largement centralisateur, la Grande-Bretagne a promu dès l’après-Seconde Guerre mondiale un modèle radicalement différent. « L’une de ces différences tient au fait que la politique culturelle britannique est régie par le principe de l’arm’s length, selon lequel l’État est tenu à distance – littéralement « à la longueur d’un bras » – du monde culturel par un Arts Council, lequel est un non-departmental public body du ministère responsable de la Culture », rappelle David Looseley, professeur à l’université de Leeds, dans un article récent [Pour une histoire des politiques culturelles dans le monde, 1945-2011, sous la direction de Philippe Poirrier, La Documentation française, 2011].
Créé en 1946, l’Arts Council England (ACE), en charge de la création plastique et visuelle, constitue de la sorte un modèle d’agence – relativement – indépendante qui a irrigué d’autres secteurs culturels : ainsi du Museums, Libraries and Archives Council (chargé des musées, bibliothèques et archives), du Crafts Council (chargé des arts appliqués), du British Council, du UK Film Council...
Pour autant, ces agences offrent-elles une garantie de promotion d’une culture non étatique, reproche souvent formulé à l’égard de la politique culturelle française ? Oui et non. Dans les faits, les principes se sont quelque peu dilués, cela sous une double influence : celle de la décentralisation, les collectivités locales étant aujourd’hui très investies dans la culture, mais aussi celle d’une tentation récurrente des gouvernements de financer directement la politique culturelle publique. À titre d’exemple, dans le domaine des musées, vingt établissements sont subventionnés directement par le DCMS, mais aussi les programmes en faveur des musées régionaux ou les programmes éducatifs.
La loterie nationale
La relative faiblesse des financements directs limite toutefois cette portée. Une importante partie des fonds de la culture provient en effet d’une autre manne : la loterie nationale, dont une part des recettes est allouée à la culture (et aux sports). Ce non-étatisme tend aussi à se renforcer par le développement de la philanthropie, jusque-là étonnamment peu présente dans le secteur culturel, et du sponsoring. Là encore, sur ce point, les Jeux pourraient changer la donne. Le Festival de Londres, destiné à agrémenter les olympiades d’un volet culturel et festif, sera certes financé par la loterie, mais il sera aussi et surtout largement sponsorisé par BMW. Étant donné la très relative qualité de la programmation, d’aucuns disent déjà que la marque automobile sera la principale bénéficiaire de l’événement. Preuve que, malgré l’adoption d’un modèle très différent, les milieux culturels français et britanniques sont habités par les mêmes inquiétudes.
Malgré la relative qualité de sa programmation, le London 2012 Festival organise, du 21 juin au 9 septembre, des milliers de manifestations artistiques dans la capitale et à travers tout le pays pour clôturer quatre années d’olympiade culturelle. Le 27 juillet, le lauréat du Turner Prize, Martin Creed, fera sonner toutes les cloches de Grande-Bretagne pour le lancement des Jeux. Shakespeare est à l’honneur dans les théâtres londoniens. Les BMW designées par Roy Lichtenstein, Andy Warhol et Jeff Koons s’exhibent au Car Park. Tino Sehgal investit le Turbine Hall de la Tate Modern où Damien Hirst présente sa rétrospective. Et les ballets du Royal Opera House s’inspirent des œuvres du Titien. À Manchester, c’est l’art contemporain africain qui se dévoile dans un programme décidément éclectique.
http://festival.london2012.com
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Culture & Sport : un pour tous, tous pour un
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Abonnez-vous dès 1 €Difficile de le dire encore avec précision, mais l’addition des jeux Olympiques de Londres sera salée, étant pour l’heure évaluée à onze milliards d’euros, voire à treize milliards par un rapport parlementaire. Pour le secteur culturel, la note est déjà sur la table. Alors que le ministère doit faire face à une cure d’austérité imposée pour quatre ans depuis l’automne 2011, avec une baisse de 24 % de l’enveloppe du DCMS (l’équivalent du ministère de la Culture... et des Sports), l’augmentation des subventions allouées au sport ( 28 % depuis 2005) a siphonné le reste de l’enveloppe. Si les musées ont été relativement préservés, les arts visuels auront perdu pas moins de 11 % d’aides. C’est toutefois le système de la loterie qui a le plus été détourné de la culture, comme l’a révélé, dès le mois d’avril 2007, le quotidien The Guardian. Celui-ci estimait alors la perte à près de 322 millions de livres pour la période précédant les Jeux. Dans ce contexte, l’annonce récente de la location d’établissements culturels tels que le Museum of London Docklands, attribué à la délégation allemande, ou encore la Somerset House, investie par les Brésiliens, ne suffira pas à satisfaire les mécontents. D’autant que plusieurs études se sont montrées dernièrement très alarmistes sur l’impact des jeux Olympiques en matière de tourisme culturel, annoncé en forte baisse jusqu’à la fin 2012
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°647 du 1 juin 2012, avec le titre suivant : Culture & Sport : un pour tous, tous pour un