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Aix-en-Provence n’aura pas son musée Picasso

Par Lorraine Lebrun · Le Journal des Arts

Le 21 septembre 2020 - 648 mots

AIX-EN-PROVENCE

En discussion depuis quatre ans avec la fille de Jacqueline Picasso, la Ville a finalement renoncé à ouvrir un musée consacré à l’artiste.

Cloître du couvent des Prêcheurs à Aix-en-Provence. © Photo D. Deveze, 2009, CC BY-SA 4.0
Cloître du couvent des Prêcheurs à Aix-en-Provence.
Photo D. Deveze, 2009

Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Cela aurait pu être le musée présentant la « plus importante collection privée de Pablo Picasso au monde ». Mais après quatre ans de négociations avec Catherine Hutin, belle-fille du maître espagnol, la maire (LR) d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains, a annoncé dans un communiqué publié sur sa page Facebook le 9 septembre que le projet n’aboutira pas.

Fille de Jacqueline Roque, la dernière compagne de Picasso, Catherine Hutin est l’une des héritières de l’artiste. Par le biais de sa société Madame Z, une partie de son importante collection personnelle devait être installée dans le couvent des Prêcheurs, inscrit au titre des monuments historiques et désaffecté depuis février 2016.

2 000 œuvres, pour beaucoup inconnues du grand public

L’ouverture d’un musée privé « Jacqueline et Pablo Picasso » était en discussion depuis juin 2017. Un projet qui intéresse fortement la municipalité, car la collection est « triplement exceptionnelle », par son ampleur (plus de 2 000 œuvres, pour beaucoup inconnues du grand public), par la période couverte (1952-1973) et par la diversité des supports. Le futur musée aurait dû disposer de 1 000 mètres carrés d’espaces d’exposition permanente et de 500 mètres carrés d’exposition temporaire. Un auditorium de 200 places ainsi que des ateliers pédagogiques devaient venir le compléter.

Pour ce faire, la société Madame Z devait racheter le couvent des Prêcheurs à la Ville. La municipalité consentait à lui céder pour 11,5 millions d’euros le bâtiment évalué à 12,61 millions d’euros HT par le service des domaines. Elle espérait en effet pouvoir compter sur une fréquentation estimée à 500 000 visiteurs par an, soit 1 500 par jour. C’est le double de la fréquentation du Musée Granet, le musée des beaux-arts de la ville. Une aubaine pour le tourisme et l’économie de la ville.

Les conditions de cession de ce bâtiment public stipulaient que Mme Hutin devait s’engager à réaliser l’intégralité des travaux (restauration du site, aménagements muséographiques) dans une période de cinq ans suivant la vente. Elle devait également s’engager sur une clause d’affectation de quinze ans, période durant laquelle le couvent des Prêcheurs n’aurait pu devenir autre chose qu’un musée.

Mais les négociations piétinent et ne reçoivent pas nécessairement le soutien de l’opposition. Au conseil municipal de février 2020, Maryse Joissains évoque dans le journal La Marseillaise une « discussion dure ». En annonçant l’abandon du projet, elle pointe du doigt le refus de l’héritière Picasso de se soumettre à la clause d’affectation. « Nous devions obtenir cette garantie. C’est cette dernière clause que Catherine Hutin a refusé d’intégrer au compromis de vente alors même qu’elle l’avait initialement acceptée. »

Catherine Hutin, dans le quotidien La Provence, dénonce quant à elle l’attitude de la Ville. « Ils estiment avoir fait des efforts ? Le notaire de la Ville d’Aix a mis un an pour répondre au mien. Ils voulaient que je m’engage à ouvrir le musée en […] cinq ans. C’est complètement impossible quand on est tributaire de tant de travaux ! »

L’adjointe à la culture, Sophie Joissains (fille du maire), pense déjà à autre chose. La Ville devrait lancer un appel à projets avant la fin de l’année pour trouver une autre utilisation à ce bel édifice. « J’aimerais à titre personnel que cela devienne un centre d’art, mais nous verrons bien… », confie-t-elle à La Provence. Maryse Joissains laisse néanmoins la porte ouverte à Catherine Hutin, à condition que celle-ci accepte la clause d’affectation. « C’est avec plaisir que nous relancerions ce très beau projet.» Ce n’est pas gagné, à lire les déclarations de Catherine Hutin : « Je trouve tout simplement hallucinant que la Ville ait mis quatre ans pour finalement faire échec au projet […]. Quand j’aurai retrouvé mon enthousiasme, je me mettrai en quête d’un autre lieu. […] Mais je ne veux plus avoir à faire à une municipalité comme celle d’Aix. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°551 du 18 septembre 2020, avec le titre suivant : Aix-en-Provence n’aura pas son musée Picasso

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