L’indignation est la marque de fabrique des éditoriaux. Certains de mes confrères se sont spécialisés dans la dénonciation du début de commencement d’un acte de censure, d’autres dans le désintérêt de l’État pour l’art contemporain ou la défense du patrimoine. L’auteur de ces lignes n’échappe pas à ce petit péché véniel et prononce des réquisitoires plus souvent qu’à son tour. Pour cette nouvelle livraison de L’œil, les polémiques ne manquent pas. J’aurais pu commenter l’interdiction d’entrée des moins de dix-huit ans à l’exposition Larry Clark ou la controverse Murakami à Versailles. Mais il n’y a pas grand-chose à en dire, ce serait ajouter de la mousse médiatique qui fait bien l’affaire des organisateurs desdites expositions. J’aurais pu aussi m’étonner des choix budgétaires du ministre de la Culture pour 2011, crier au scandale du vrai-faux bureau Ruhlmann offert par L’Oréal au peu attentif musée des Années 30 de Boulogne, hurler contre l’immobilisme des commissaires-priseurs de Drouot qui sont en train de saccager une marque et un lieu dont ils ont le plus souvent hérité de leurs parents. Le doigt d’honneur de Maurizio Cattelan, la cote en chute libre de Damien Hirst, la possible interdiction de sortie de Russie d’un tableau qui appelait au meurtre de Poutine pour une exposition au Louvre (rien que cela !), l’ensevelissement d’une cité antique en Turquie, le tabassage d’invités à un vernissage d’art contemporain à Istanbul (décidément), tous ces sujets d’actualité auraient pu également être le prétexte à des phrases pleines de colère contenue.
Mais voilà, ce trop-plein d’actualités plus ou moins sombres, l’été indien font que j’ai eu envie de m’intéresser ici à un sujet qui est à tort totalement passé inaperçu. Figurez-vous que l’on a retrouvé les restes d’un festin en Galilée remontant à plus de douze mille ans. Les nouvelles optimistes en provenance de cette région du Proche-Orient sont suffisamment rares pour qu’on s’y attarde. Cette découverte exceptionnelle est d’une portée considérable. Elle nous apprend que les hommes encore nomades de cette époque antérieure à l’agriculture savaient bien vivre. Un coup d’œil rapide sur leur menu le confirme : tortues et animaux sauvages. La présence d’ossements d’une vieille femme suggère que le banquet était organisé à l’occasion des funérailles de celle-ci et que l’on savait honorer ses ancêtres. À moins que ces goujats n’aient eu une bonne raison de célébrer le décès de cette femme, mais il va falloir que la science archéologique progresse encore un peu pour valider la bonne hypothèse. Cette terre, carrefour des trois grandes religions monothéistes, est donc aussi le berceau des festivités culinaires.
P.-S. : Que les lecteurs que les bonnes nouvelles ennuient se rassurent, cette rubrique s’attaquera dans le prochain numéro au scandale que constitue la censure de l’exposition de François-Marie Banier à la Maison européenne de la photographie.
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Vrai festin et fausses polémiques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°629 du 1 novembre 2010, avec le titre suivant : Vrai festin et fausses polémiques