J’ai pris connaissance de l’article de Jean-Michel Puydebat paru dans le numéro 269 [16 novembre 2007, p. 36] de votre magazine à propos des conservateurs chefs d’établissement.
Les conservateurs se trouvent aujourd’hui confrontés à une évolution du monde des musées et par voie de conséquence à la nécessité de redéfinir clairement leurs missions. Néanmoins, dans les faits, et cela depuis déjà longtemps, les conservateurs ont, pour un grand nombre d’entre eux, su s’adapter à cette évolution ; sans quoi l’institution muséale ne serait pas ce qu’elle est devenue ! Car cette dernière a, depuis vingt ans, connu un développement sans précédent et a pris une place de plus en plus importante au sein de notre société. Certes, il reste encore beaucoup à faire, surtout pour conquérir de nouveaux publics, mais l’image du musée « poussiéreux » est loin derrière nous. Ce qualificatif n’est aujourd’hui utilisé que par ceux qui ne les fréquentent pas ! Bien sûr, certains musées n’ont pas participé à ce mouvement faute de moyens ; il est à craindre que, face à la rareté des financements publics, cette évolution soit suivie d’une période de stagnation, voire de déclin. Les craintes peuvent également porter sur les attaques récurrentes et injustifiées dont les musées et les conservateurs font l’objet de la part de ceux qui, ayant compris le rôle essentiel que ces établissements culturels jouent aujourd’hui, souhaiteraient s’en emparer.
Aussi, laisse-t-on croire que le conservateur est inutile et incapable et que d’autres, mieux que lui, pourraient le remplacer. Cette profession doit être reconnue et respectée. La pyramide des âges de cette profession démontre qu’il est urgent de procéder à la relève et non à l’extinction ! Mais pour cela nous devons accepter un certain nombre de vérités : un conservateur ne peut plus être uniquement un scientifique, au sens du « chercheur », si telle était sa vocation, il existe d’autres voies – le CNRS, par exemple, ou l’université. Néanmoins, une formation scientifique, une bonne connaissance des disciplines relatives aux établissements dans lesquels il va être amené à travailler (histoire, histoire de l’art, archéologie, ethnologie, etc.) me paraît indispensable, ainsi qu’une formation dans le domaine de la conservation préventive. Il s’agit là du « cœur de métier ». S’il a la chance d’être en poste dans un musée qui traite de sa spécialité, il pourra demeurer un spécialiste, mais dans la réalité, sauf lorsqu’ils exercent dans de très grandes structures, peu de conservateurs se trouvent dans cette situation. Il peut alors être fait appel à des compétences scientifiques extérieures (ce qui peut permettre d’établir du reste des passerelles enrichissantes entre les musées et l’Université).
Dans cette hypothèse, le conservateur doit être malgré tout en mesure de faire régner au sein de son établissement une grande rigueur scientifique, dont il est le garant. Un conservateur aujourd’hui qui se trouve en position de chef d’établissement peut, n’en déplaise à Jean-Michel Puydebat, être un professionnel polyvalent capable, avec son bagage scientifique, d’être un vrai chef de projet. Il doit être en mesure de définir un projet d’établissement (qui s’appelle « projet scientifique et culturel » dans notre jargon, ce qui est sans doute trop réducteur !), ce projet stratégique consiste à positionner l’équipement dans un contexte général – politique, sociétal et économique, puis à dresser les grands axes directeurs de l’établissement. Le conservateur est en capacité d’être le responsable administratif de son établissement et a donc à ce titre des compétences managériales (les épreuves orales des concours internes et externes intègrent désormais cette compétence).
Aujourd’hui, le conservateur est en réalité un véritable chef d’orchestre et c’est ce qui fait l’originalité de cette profession, outre son travail scientifique que je viens de définir ; il est aussi bien homme (ou femme) de communication, d’administration, de médiation, etc. Les missions des musées Néanmoins, encore ne faut-il pas détourner le musée de sa mission première qui est une mission d’ordre culturel et éducatif et non pas économique, ce qui ne signifie pas le refus de considérer le musée comme acteur de développement par l’activité qu’il génère en terme d’emploi et de retombées indirectes et induites. La formation des conservateurs n’est plus ce qu’elle était. L’INP est un progrès incontestable et doit permettre – à condition de prévoir des promotions suffisamment pourvues et d’adapter sans cesse les programmes à l’évolution des musées – de répondre aux besoins. Je ne vois donc pas pourquoi un conservateur ne pourrait être un chef d’établissement ! Même lorsqu’il s’agit de grandes institutions nationales ! De même qu’il est choquant de laisser entendre, comme le fait Jean-Michel Puydebat que les conservateurs parleraient « prioritairement aux “forts pratiquants culturels” ». En conclusion, un conservateur est quelqu’un qui doit aimer les objets et les gens. Il aime les objets non pas pour eux-mêmes, mais pour ce qu’ils représentent, il aime les gens avec lesquels il a envie de faire partager ses connaissances.
Président de l’AGCCPF (Association générale des conservateurs des collections publiques de France)
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Un professionnel polyvalent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Un professionnel polyvalent