Alors que s’ouvre le Centre Pompidou-Metz, un lieu d’exposition sans collections, plusieurs grandes institutions dans le monde, à commencer par le Louvre, poursuivent leur politique de musée universel. Récemment encore, Henri Loyrette justifiait l’existence du pavillon des Sessions, un espace dédié aux arts premiers, par cette ambition. Mais cela a-t-il encore un sens de vouloir détenir et exposer tous les arts, de toutes les régions et de toutes les époques ?
Sur le papier, les arguments se tiennent. On passera sur celui de l’ego du directeur, jamais avoué, même s’il est un sérieux moteur du gigantisme. Un musée universel ambitionne d’offrir à la recherche et au public un ensemble le plus vaste possible de l’art des hommes. Il s’agit d’ouvrir le visiteur au monde et aux cultures qui lui sont étrangères. L’universalité renforce aussi l’image de puissance du musée ainsi que sa force d’attraction auprès des publics, mais désormais aussi des pays en quête de savoir-faire afin de bâtir leurs propres musées. Ainsi le Met, le British Museum et le Louvre sont-ils en concurrence. Ils sont tous les trois devenus des marques qui doivent se nourrir par une politique d’expansion soigneusement promue. L’inépuisable réservoir de touristes, hier japonais, aujourd’hui chinois et demain indiens, est un précieux segment de marché pour ces institutions en quête de recettes commerciales.
Dans la pratique, l’universalité n’est pas sans poser des problèmes. La démesure qu’elle induit est incompatible avec la capacité d’attention du public. Le pavillon des Sessions, isolé au fond d’une aile du Louvre, voit arriver une faible part de visiteurs aux regards exténués. Le futur département islamique rencontrera le même problème. L’extension des collections entraîne également un problème d’espace pour exposer les nouveaux départements : il faut construire de nouveaux bâtiments, couvrir des zones ouvertes ou lorgner sur les édifices voisins. Accessoirement, l’universalité engendre des effets de seuil, donc des coûts induits supplémentaires et des problèmes délicats de gestion du personnel. Les 243 effectifs rattachés à la conservation du Louvre, dont 120 conservateurs, sont en attente de services, de reconnaissance et de mobilité.
Comparaison n’est pas raison, mais on ne peut s’empêcher de penser à la mode des conglomérats dans les années 1970. À l’époque, les entreprises internationales cherchaient à intégrer dans un même ensemble toutes leurs filières, voire leurs activités connexes. Aujourd’hui, on est revenu de cette course à la diversification, synonyme de gigantisme. Les hypers ont moins la cote, au profit des minimarkets, à l’assortiment moins large.
Le Louvre va ouvrir une antenne à Lens, et c’est une bonne idée. Notre dossier sur les nouveaux types de musées montre leur extraordinaire capacité d’innovation. Peut-être faudrait-il aussi repenser le concept de musée universel ?
Éditeur et rédacteur en chef (jchrisc@artclair.com)
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Small is beautiful
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°625 du 1 juin 2010, avec le titre suivant : Small is beautiful