Dans des temps pas trop anciens, puisqu’il s’agit de moins de trois millénaires, des hommes et des femmes vivaient déjà des amours passionnés et leurs histoires inspiraient des œuvres d’art que l’on admire encore aujourd’hui.
Plus récemment, c’est-à-dire il y a moins d’un millénaire, on parlait avec délices, dans de très nombreuses civilisations, de l’amour courtois, et de l’art délicat de faire savoir son amour par un poème, un tableau, une chanson, ou toute autre manifestation de la beauté.
Dans la semaine du 14 février, pour une occasion commerciale, s’abat sur le monde un déluge d’incitations à acheter des objets ou des services de toute nature, sous un prétexte amoureux. Comme si l’ultime preuve contemporaine de l’amour était l’argent.
Il est encore temps de rappeler que ce qui s’achète, se vend et s’offre n’est pas un substitut à la passion, à la tendresse, à l’attention, à la bienveillance et à l’altruisme. Et que l’amour le plus intense n’est pas celui que l’on reçoit, mais celui que l’on donne. Gratuitement. Sans rien attendre en échange.
Aussi, pour échapper à cette envahissante dictature du marché dans le domaine le plus intime, pour ne pas réduire la manifestation de l’amour à un acte commercial, je propose ici un exercice peut être plus intéressant et plus révélateur : refusez toute manifestation marchande d’un amour et offrez à l’être aimé la visite d’un musée et la reproduction de l’œuvre d’art qui vous semble le mieux parler de votre amour. Et si vous voulez aller plus loin, offrez à l’autre le voyage pour aller contempler cette œuvre dans le musée, ou sur le site du monde, où elle se trouve.
Une reproduction ! s’exclamera-t-on avec dédain. C’est nul, sans poésie, plat, et pas généreux ! C’est à la portée de n’importe qui et cela ne dit en rien en quoi la relation est précieuse !
Détrompez-vous : en sculpture, les reproductions sont aussi précieuses que les originaux, qui ne sont qu’une série de copies arbitrairement limitée, comme l’a si bien démontré une discussion entre spécialistes à partir d’un célèbre texte de Roland Barthes. Pour la peinture, les reproductions sont aujourd’hui de plus en plus fidèles, et les musées commencent à comprendre qu’elles sont leurs alliées et non leurs rivales.
Alors, osons réfléchir à la meilleure façon d’exprimer un sentiment par une œuvre. Selon ce que l’on pourrait vouloir exprimer, je pourrai recommander telle ou telle œuvre. Par exemple, Amour et Psyché de Raphaël ; Paysage orageux avec Pyrame et Thisbé de Nicolas Poussin ; La Fiancée juive de Rembrandt ; La Gamme d’Amour de Watteau ; les innombrables Baisers de Canova, Toulouse-Lautrec, Camille Claudel, Klimt, Picasso ou Brancusi ; Les Amants de Magritte ; Le Couple de Louise Bourgeois ; ou encore les performances de Marina Abramovic avec Ulay à Venise en 1976 et au MoMA en 1982 ; ou enfin, en cas extrême, la lettre de rupture reçue par Sophie Calle et exposée avec ses commentaires.
Mieux encore, une œuvre faite par vous. Car tout le monde en est capable.
Alors, prenez des leçons de dessin de peinture, de sculpture, de peinture, de tapisserie, de poterie, et lancez-vous. Exprimez-vous. Prenez le temps qu’il faut. Et vous saurez ainsi dire, mieux qu’avec le bijou le plus précieux, que votre amour, en lui-même, est une œuvre d’art.
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Pour l’amour de l’art ; et l’art de l’amour
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°495 du 16 février 2018, avec le titre suivant : Pour l’amour de l’art ; et l’art de l’amour